Les Chroniques de l'Imaginaire

Les mangeurs d'argile (Les hommes sans futur - 1) - Pelot, Pierre

Tout comme le singe a donné naissance à l'homme, jusqu'à ce que celui-ci évolue en homo sapiens, ce dernier a enfanté une nouvelle espèce, les Supérieurs. Ils sont différents, globalement incompréhensibles pour les humains Normaux, auxquels ils ne se mêlent pas. La mutation est rapide. Les femmes Normales ne sont plus guère fécondes, et donnent souvent naissance à des Supérieurs, ou au contraire à des mutants monstrueux. Bref, l'espèce humaine normale, les "mangeurs d'argile" qui vivent des ressources de la terre, est sur le déclin.
Du coup, la société humaine Normale est partie à vau-l'eau. Les villes et campagnes se dépeuplent, la violence devient monnaie courante. La fin de notre civilisation est proche.

Dans ce contexte post-apocalyptique débarque un jour à Little Rock un campagnard, Nandura, exténué par une longue marche mais néanmoins armé et dangereux. Il cherche un homme-bois-bonheur réputé (homme miracle pour les uns, charlatan pour les autres...), qui pourra donner à sa femme de meilleurs chances d'enfanter un enfant Normal.
Caïne est justement bois-bonheur à Little Rock. Actuellement, il loue ses services au vieux Kildred. Le vieillard rêve d'aventure avant sa mort, sous l'impulsion de Lice, une jeune femme apeurée qu'il a recueillie chez lui et qui tente de le convaincre de fuir au plus vite vers le sud un danger innommable.

Sous la plume de Pierre Pelot, le destin de ces quatre personnages va s'entrecroiser. Le monde s'écroule autour d'eux, mais eux continuent à essayer de vivre, ou au moins de survivre. Le monde qu'ils ont à affronter est dur, sanglant, il y règne globalement la loi du plus fort, malgré la présence en ville de milices. L'ambiance est démoralisante, car on sent bien qu'il n'y a aucun espoir, pour personne. Mais comme ce n'est pas très long et plutôt bien écrit, on le lit rapidement et on n'a pas le temps de déprimer complètement, heureusement.

Les personnages sont bien construits. Aucun n'est globalement bien sympathique, mais tous sont intéressants d'une façon ou d'une autre, chacun présentant une facette de ce monde effondré.
Les Supérieurs sont les grands absents de l'intrigue. Certes, ils sont omniprésents tant leur existence pèse sur la vie des Normaux, que ce soit leur passé ou leur avenir, mais on ne les croisera jamais en chair et en os, si ce n'est quelques silhouettes dans des engins volants survolant parfois nos protagonistes. Finalement, ils resteront donc aussi étrangers pour nous que pour nos protagonistes.

L'action est assez linéaire malgré les moments de violence. Le rythme reste lent, engluant le lecteur dans ce monde déclinant et démoralisant. La fin est percutante, mais tout à fait conforme au contexte très sombre du récit.

Ce roman est le premier du cycle des Hommes sans futur, en cours de réédition par French Pulp, mais chaque tome peut se lire indépendamment. Pour ma part, j'ai plutôt bien aimé ce premier tome, même si c'est un peu trop noir à mon goût, et je lirai volontiers les suivants.

Pour finir, je voudrais soulever un petit bémol par rapport à l'édition numérique : toutes les deux ou trois pages, on trouve un mot avec une césure imposée à tort ("il produi- sit", "d'an- tan", "plu- sieurs"...). Ce n'est pas très grave, mais suffisamment fréquent pour déranger un peu. A corriger pour les prochains ouvrages !