Les Chroniques de l'Imaginaire

Le Tour de l'Univers en 10-43 seconde (Le sens de l'Univers - 1) - Breysse, Manu

Sur la planète Olhem, vaste désert à la culture égyptienne, tout va magnifiquement bien pour Sareth, le roi. Il a une femme, des courtisanes et de beaux enfants. Il peut gouverner dictatorialement en toute liberté. Son seul regret est de n’avoir pas davantage connu son père, mort durant son enfance. 

Tout son monde s’effondre lorsqu’il se retrouve projeté par un mystérieux disque à l’autre bout de l’univers. Là-bas, il apprend que les étoiles ne sont en fait pas des dieux, que sa planète n’est pas la seule de l’univers, et même que l’apparition de la vie sur Olhem est le fruit d’un malheureux accident de fret. Alors, lorsqu’un logiciel de bibliothèque lui propose de consulter la notice sur le sens de la vie, Sareth hésite à peine ! Malheureusement, le sens de la vie a été effacé des serveurs de la bibliothèque plusieurs années auparavant et il est le premier à s’en rendre compte ! 

En plein émoi, il se rend dans un bar et fait la connaissance de Jah, un alcoolique amnésique, accablé par la découverte de la perte du sens de la vie. Celui-ci l’emmène donc chez Sigmufred, son psychiatre, tout autant hérissé par cette perte. Ni une ni deux, Sareth, Jah, Sigmufred et sa fille adolescente, Straecia, partent à la recherche du sens de la vie à bord d’un vieux vaisseau spatial !

Les ouvrages auto-édités effraient souvent les lecteurs potentiels. On les associe à des coquilles en cascade, des histoires bancales, un style vacillant… La liste est longue !

Qu’on se rassure tout de suite ! On ne trouve rien de ces écueils ici ! Le Tour de l’Univers en 10-43 seconde aurait à mon sens très bien pu être publié dans une maison d’édition traditionnelle. De toute ma lecture, je n’ai vu qu’une seule coquille orthographique dont je ne me souviens même plus tellement elle était mineure. Je dois cependant reconnaître ne pas être la plus psycho-rigide des lectrices sur ce point. J’ai découvert en fin de lecture que ce roman avait reçu l’approbation d’un label dont je n’avais jamais entendu parler mais au concept ô combien pertinent, l’Attelage, qui fait relire les livres auto-édités par des professionnels. Je ne peux qu’encourager d’autres auteurs à suivre cette voie.

Le style de Manu Breysse, humoristique et mordant, est maîtrisé d’un bout à l’autre du récit. Nous sommes accompagnés par un narrateur un brin pédant et déjanté qui n’hésite à pas nous renseigner sur les grandes vérités de l’univers, de manière fantasque évidemment, ou à commenter sans concession les actions des protagonistes. Le tout est très léger et ne m’a jamais lassée ! L’équilibre est en effet bien respecté entre ces apartés pseudo-informatifs et philosophiques et les nombreuses péripéties que vivent nos héros.

Les héros sont eux-mêmes aussi déjantés que le narrateur. On pourra juste regretter que tous ne bénéficient pas de la même profondeur. Sareth est bien sûr le plus développé, de même que Sigmufred, le plus bavard, mais les personnages féminins sont un peu plus creux. 

Les aventures vécues par nos héros sont elles aussi complètement incongrues. Je ne vous en dis pas plus pour ne pas vous ruiner le plaisir de les découvrir par vous-mêmes mais le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on ignore toujours à quoi s’attendre. Et pourtant, l’histoire en elle-même se tient. Cette avalanche de péripéties étranges nous amène bien peu à peu vers une conclusion tout aussi originale.

L’auteur fait de très nombreuses références culturelles (à la science-fiction mais pas seulement !). Heureusement, elles ne sont jamais trop appuyées et s’intègrent donc bien dans un récit après tout déjà loufoque.

Sur une autre note, j’ai également apprécié que ce livre ait une vraie couverture, même si je n'ai pas totalement accroché au style retenu. Cela change de certaines maisons d’édition – y compris renommées – qui font leur marché sur les banques d’images en ligne pour un résultat souvent impersonnel. Réalisée par Pierre Gonzalès, la couverture du Tour de l’Univers en 10-43 seconde nous offre au contraire un aperçu des personnages principaux dans leur vaisseau. La réaction de Sareth sur celle-ci semble parfaitement capturer l’état d’esprit du personnage.

L’ouvrage s’accompagne aussi de bonus amusants et d’une préface rassemblant des avis positifs émanant d’amis de l’auteur. J’ai évité de lire cette préface trop en détail avant de me pencher sur le récit car sa présence m’a semblé faire montre d’un brin de prétention de la part de l’auteur, même si, après ma lecture, je concède ces éloges plus volontiers.

En résumé, Le Tour de l’Univers en 10-43 seconde de Manu Breysse est une très bonne découverte ! L’auteur se réclame de l’influence de Douglas Adams et tente clairement de s'inscrire dans sa lignée. Si vous aimez les romans de science-fiction déjantés, les considérations métaphysiques insolubles et les narrateurs volubiles, ce livre est pour vous !