Dans la capitale de Terrèbre, Ludovic Lindien tourne une page de sa vie. Toute son enfance, il a vécu dans l’ombre de son père, amnésique, mort dans des circonstances à la fois mystérieuses et célèbres. Il vient enfin de publier un livre à partir de notes de son père et, sa mère venant de mourir, décide de vivre enfin pour lui-même. Pourtant, ses pas le guident à nouveau vers son passé familial : il décide d’entreprendre en sens inverse le voyage fait par son père pour arriver à la capitale pour découvrir ses véritables origines. Il quitte donc la grande ville pour s’enfoncer dans les terres sauvages des Hautes-Brandes.
Les voyages du fils est la suite indirecte du Veilleur du jour, dont le protagoniste n’est autre que le père du héros. Cet ouvrage se compose de sept nouvelles de taille inégale pouvant être lues comme des chapitres et qui sont autant d’avancées dans la quête du héros, au contact de personnages parfois insolites.
On retrouve ici le mystère entourant les tomes précédents. J’ai particulièrement apprécié les passages décrivant les territoires traversés à la manière d’un ethnographe ou d’un historien, notamment l’un des premiers sur les Hautes Brandes. Cette dimension ethnographique, omniprésente dans le premier tome du cycle des Contrées, Les jardins statuaires, est cependant bien moins développée ici.
La prose très particulière de Jacques Abeille, relativement dense, est aussi au rendez-vous. Je conseillerais presque de picorer un chapitre de-ci de-là pour ne pas vous noyer dans son style d’écriture, certes agréable mais aussi un peu étouffant sur la longueur. Malheureusement, la complexité de l’histoire ne le permet pas totalement.
En effet, les traces du père du narrateur se perdent dans celles de plusieurs hommes. Il lui faut donc démêler cet écheveau d’histoires et il n’est pas toujours aisé de se souvenir qui, finalement, est le vrai père de notre protagoniste. Les lecteurs attentifs de la série auront remarqué que cette ambiguïté sur l’identité du père de Ludovic était présente dès Le veilleur du jour et elle est ici au cœur de l’intrigue.
Autre bémol, la présence encore une fois de scènes érotiques un peu malvenues. Elles renforcent de plus une tendance fâcheuse de Jacques Abeille à réduire les personnages féminins à des objets de désir, adoptant parfois aussi le rôle de pythies cryptiques, mais sans être jamais décrites comme des êtres humains à part entière.
Malgré la découverte de ce monde captivant qu’est celui des Contrées, je n’ai pas pleinement apprécié ce tome pour cet ensemble de raisons. Toutefois, je suis sûre qu’il plaira à ceux qui ont déjà aimé Le veilleur du jour, dont il est plus proche en termes de tonalité que des Jardins statuaires bien qu’il soit aussi un récit de voyage.