Laurie est la créatrice d’une émission, Suspicion, s’intéressant aux enquêtes criminelles classées par la police et donnant la parole aux principaux suspects des affaires. L’intérêt de Laurie pour ce type d’enquête n’est pas totalement désintéressé car le père de son fils de neuf ans Timmy, son mari Greg, a lui-même été assassiné plusieurs années auparavant.
Laurie est furieuse lorsque Ryan, son nouveau présentateur vedette, veut mettre sur la liste de sujets une affaire l’intéressant à titre privé. Le coach de Ryan, Ivan, est en effet l’un des principaux suspects dans le meurtre d’une riche héritière et philanthrope new-yorkaise, Virginia, de vingt-et-un an son aînée et avec laquelle il sortait.
Leo, le père de Laurie et ancien commissaire de police, a décidé de prendre sa retraite anticipée pour aider à s’occuper de Timmy. Depuis peu, il a repris du service à temps partiel et espère bien aider sa fille à s’épanouir à nouveau, y compris en faisant jouer son réseau pour faciliter ses enquêtes télévisées.
Alex Buckley est l’ancien présentateur de Suspicion, qu’il a quittée pour poursuivre son rêve : devenir juge fédéral. Malheureusement, cette décision a aussi signifié rompre temporairement les ponts avec Laurie, de toute manière hésitante à sortir avec lui.
Ce roman a été écrit à quatre mains, entre Mary Higgins Clark et Alafair Burke. Il fait en réalité partie d’une série écrite par les mêmes auteures – bien que non identifiée comme telle dans les éditions françaises – reprenant les mêmes personnages, chaque tome étant en réalité un épisode de la série Suspicion. La reine du bal est la quatrième collaboration entre les deux femmes sur cette série mais ne pas avoir lu les autres tomes n’est pas gênant. On sent que les personnages ont une histoire commune allant au-delà de cette simple histoire, ce qui est plutôt un avantage qu’un inconvénient, et, l’intrigue policière étant entièrement propre à cet « épisode », on peut tout à fait l’apprécier sans connaître le reste de la série.
Cette profondeur, inhérente à une série, explique également la profusion de personnages secondaires. En plus des nombreux suspects de l’enquête, on croise ainsi la famille de Laurie et de ses amis. Heureusement, tous ont leur rôle à jouer et aucun ne paraît déplacé dans l’intrigue. Le point de vue de la narration à la troisième personne reste la plupart du temps concentré sur Laurie mais nous dévoile aussi souvent le ressenti d’autres personnages centraux de la série, Leo et Alex, et va même jusqu’à s’aventurer, plus épisodiquement, vers certains personnages de l’intrigue en cours comme Penny, l’ancienne assistante de Virginia, ou Anna, la fille de Virginia.
Cette alternance de point de vue rend l’intrigue plus rythmée et prenante. Outre l’intrigue policière, une romance est également à l’œuvre entre Laurie et Alex. Elle est principalement exposée dans les chapitres narrés du point de vue d’Alex, qui apparaît donc un peu comme un électron libre en marge de l’enquête à proprement parler. Cependant, les chapitres étant très courts, ces apartés romantiques sont loin de perturber le rythme de l’intrigue policière.
Cette intrigue policière est d’ailleurs rondement menée. Les auteures nous lancent plusieurs fois sur des fausses pistes et, si on croit à quelques reprises avoir découvert l’identité du tueur, on est en fait loin d’avoir trouvé le fin mot de l’histoire… avant la fin de l’histoire !
Tout juste pourra-t-on déplorer une ou deux incohérences mineures. J’ai par exemple été très étonnée que les réseaux sociaux ne soient pas plus mobilisés : même dans le contexte d’une soirée où les caméras de surveillance étaient en maintenance, il paraît invraisemblable à notre époque que personne n’ait pris de photo ou de vidéo de l’événement pour le poster sur Internet. Et donc, ces documents auraient pu être exploités par les enquêteurs. L’action a clairement lieu à notre époque puisque les réseaux sociaux sont mobilisés mais tardivement et pour d’autres raisons. Ceci dit, Mary Higgins Clark ayant plus de quatre-vingt-dix ans, on ne peut pas lui reprocher de n’être pas totalement à la page des nouvelles technologies !
Une autre incohérence est le rapport à l’argent. Le même protagoniste pourra juger que « Soixante-quinze mille dollars est une somme, mais qui ne transforme pas votre existence. » mais aussi que cinq mille dollars sont suffisants pour commettre un meurtre. On a donc parfois l’impression que les auteures n’ont pas accordé leurs violons sur le rapport à l’argent de leurs personnages. La thématique de la transmission de l’argent est pourtant au cœur du récit et on peut se demander quels sont les parallèles entre cette histoire et la vie des deux auteures : à l'image du personnage d'Anna reprenant l'entreprise familiale, la propre fille de Mary Higgins Clark, Carol Higgins Clark, marche dans ses pas et Alafair Burke n'est autre que la fille de l'auteur de romans policiers James Lee Burke.
N’ayant pas lu de romans de Mary Higgins Clark depuis mon enfance, je suis agréablement surprise de découvrir une intrigue policière de qualité avec des personnages aussi bien campés, qu’on a véritablement envie de redécouvrir à l’occasion des autres tomes de la série. Je n'ai en revanche jamais lu de romans d'Alafair Burke et ne peux donc pas m'étendre sur ses apports propres à la série.
En résumé, malgré son écriture à quatre mains, ce roman s’inscrit dans la pure tradition des romans policiers de Mary Higgins Clark : un meurtre à élucider par une jeune femme débrouillarde et plutôt aisée financièrement, appuyée par des forces de l’ordre compétentes mais aux moyens d’investigation plus limités, sur fond de romance, d’amitié et d’amour familial. Le tout est comme d’habitude servi par une plume précise et agréable.