Ce recueil est composé de deux ouvrages : Janua vera, un recueil de nouvelles, et le roman Gagner la guerre.
Les nouvelles de Janua vera donnent déjà le ton et mettent le lecteur dans l'ambiance souhaitée par l'auteur, une atmosphère médiévale avec les croyances, la pauvreté, la guerre, la violence qui sévissent.
A travers ces nouvelles, Jaworski raconte le quotidien des gens du peuple, des soldats, des moines, mais aussi d'un tueur à gages, d'un peintre. C'est plein de roueries, de trouvailles, de truculence. C'est également richement documenté, et on apprend beaucoup de choses sur les techniques employées à cette époque.
L'écriture est riche, foisonnante, dense, et d'une habileté remarquable, avec une légère pointe d'humour.
J'ai préféré les nouvelles de la seconde partie du recueil, notamment celle racontant les mésaventures de Maître Calame, touché par le syndrome de palimpseste qui le rend extrêmement malchanceux mais qui va permettre de démasquer le tueur de la rue des Remparts qui sévit dans le bourg depuis plusieurs jours.
Il y a aussi la remarquable histoire de Blandin, un jeune apprenti imagier, tombé amoureux fou d'une jeune moniale et qui peint son visage partout avec un talent hors norme. D'autres nouvelles sont plus sombres, car pleines de morts, de vengeance, de trahisons, mais toujours avec une petite pointe d'humour. On y rencontre Benvenuto, maitre-espion et tueur à gages qui se fait engager après moult péripéties, violences et tortures par le Podestat Ducatore, l'un des deux dirigeants les plus puissants de la ville-République Ciudalia.
Au départ, j'ai eu du mal à entrer dans l'univers du vieux Royaume puis, au fil des pages, je me suis laissée embarquer dans le monde de Jaworski avec délices et j'ai vraiment apprécié cette incursion dans le Vieux Royaume.
Dans le roman Gagner la guerre, on retrouve Benvenuto Gesufal. Il raconte ses mémoires de maître-espion du Podestat. Et à cette époque trouble, ce sont des mémoires vraiment riches !
Le roman commence par le récit de combats navals entre les troupes de Ciudalia et du chah Eurymaxas, sublime souverain de Ressine. Ce sont des combats maritimes, sanglants, violents, meurtriers. Benvenuto a le mal de mer, mais cela ne va pas l'empêcher de mener sa mission secrète à bien, celle pour laquelle il s'est trouvé embarqué sur cette galère, lui qui n'est pas un soldat. Mais au cours de l'ultime attaque, il est fait prisonnier par l'ennemi. Il sera très violemment passé à tabac, puis emprisonné.
Je ne peux en raconter plus sans dévoiler l'intrigue de ces mémoires époustouflantes. L'écriture de Jaworski est extraordinaire ! Il sait raconter avec simplicité, fluidité, les intrigues politiques les plus retorses, les coups bas, les trahisons. J'ai d'ordinaire beaucoup de mal à comprendre les trames politiques, mais ici, ce n'est pas le cas. Malgré des intrigues très complexes, on comprend très facilement. La force de Jaworski se trouve également dans ses descriptions de scènes d'action. Elles sont très réussies, et on visualise parfaitement et très facilement les combats de rue, l'évasion spectaculaire de Benvenuto, les attaques du Rempailleur, les elfes et leurs charivaris.
C'est un roman très visuel, mais aussi plein de réflexions intérieures que Benvenuto mène pour tâcher de comprendre ce qu'il se passe, et pour décider de la marche à suivre pour tirer son épingle du jeu dans le nid de vipères qu'est sa vie mouvementée. Plusieurs personnages gravitent autour de lui : Ducatore, le Podestat qui ne vit que pour intriguer, son patron ; Sassanos, un puissant et dangereux mais parfois sympathique sorcier ; Clarassima, la jeune fille du Podestat aussi rouée que son père, voire plus, et de nombreux nobles, soldats, sénateurs, tous aussi troubles, faux et menteurs les uns que les autres.
On retrouve ici et là des personnages ou des événements ou des lieux issus des nouvelles de Janua vera, comme des petits clins d’œil sympathiques au lecteur. Le seul reproche que je ferais, c'est que, non habituée aux noms à consonance italienne, je me suis parfois un peu perdue entre les Blattari, Chiodi, Cladestini, Sanguinella et quantité d'autres qui jouent des petits rôles et qui ne sont donc pas aussi présents que Benvenuto ou le Podestat Leonide Ducatore. Mais cela ne m'a pas du tout empêchée d'apprécier pleinement cette lecture si riche, si foisonnante, si dépaysante.
C'est une lecture exigeante car les paragraphes sont denses, l'écriture est recherchée, même si c'est un maitre-espion qui parle, mais le tout est fait avec un talent indéniable qui transforme ce gros pavé en merveilleuse histoire inoubliable. L'humour est également très présent et apporte une appréciable touche de dérision et de légèreté même dans les pires moments.
Un gros coup de cœur ! Pour les lecteurs appréciant une belle écriture et de l'action, n'hésitez pas, foncez et savourez !