Dans un Nigéria futur, rongé par la pollution pétrolière et les milices des seigneurs de guerre dont l'unique raison d'exister semble être la suprématie des uns sur les autres, quoi qu'il leur en coûte, le grand-père de Joshua a décidé de créer, avec Ewuru, une ville où la coopération aurait le premier plan. Il prévoyait d'ailleurs d'étendre ensuite le réseau aux autres localités sur le fleuve Akwayafe, à la frontière entre le Nigéria et le Cameroun. Bien sûr, cela suppose de faire profil bas, et de rester à l'écart du connex, le réseau de données mondial, auquel les seigneurs de guerre et autres gouvernants ont bien sûr accès.
Un bon nombre de stations orbitales ont été créées, au fil du temps, qui ont généralement attiré les savants, les scientifiques, et plus généralement les esprits curieux qui voyaient en elles un marchepied pour les étoiles. Elles étaient reliées à la Terre par des ascenseurs orbitaux. Malheureusement, la première d'entre elles à avoir réclamé son indépendance à la nation terrienne qui l'avait construite a été détruite par des missiles, et ses fragments ont percuté dans leur chute non seulement d'autres stations, mais aussi la plupart des ascenseurs spatiaux, dont il ne reste plus que trois, à l'heure actuelle. La plupart des stations survivantes sont parties plus loin dans le système solaire, mais quelques-unes restent en orbite haute, dont Tartarus, une prison américaine de haute sécurité (et pour cause !) et Achenia.
L'action commence quand Achenia commence à négocier son indépendance avec le président américain, et surtout quand un engin habité contenant un être désarticulé mais apparemment encore vivant atterrit tout près d'Ewuru.
Ce roman est bizarrement contrasté entre éléments originaux et tropes vus et revus. Sa plus grande originalité, pour moi, est non seulement de baser la plus grande part de son action en Afrique, encore peu fréquentée dans le genre, mais aussi d'utiliser la forme africaine pour le récit, souvent choral, et entrecoupé de pauses sous la forme de contes narrés par les différents personnages, et dont le rapport direct à l'intrigue est moins qu'évident. Cela peut dérouter le lecteur, mais renforce aussi l'impression d'étrangeté. A l'évidence, l'auteur connaît le pays où il situe l'action, ses habitants et son histoire. J'ai d'ailleurs particulièrement apprécié l'absence d'angélisme : là où tous les personnages m'ont paru la plupart du temps manichéens au point de m'agacer, la part prise par certaines ethnies nigérianes dans la traite des esclaves n'a pas été gommée, par exemple.
Si le personnage de Samara, "l'homme tombé du ciel", recouvre celui du super-héros, ses rapports avec son symbiote technologique, Symon, m'ont paru bien pensés par l'auteur, comme les nuances entre eux, et cela lui permet de surcroît des péripéties qui n'auraient pas été possibles avec un personnage univoque. Le thème de la volonté des colonies spatiales de s'affranchir de leurs "mères-patries" est bien connu, au moins depuis Heinlein. On ne peut pas dire que ce roman y ajoute énormément, mais j'ai trouvé intéressante à la fois la création de la Trois, et en règle générale le système de gouvernement d'Achenia.
Ce récit sympathique n'est certes pas exempt de défauts, qui trahissent le fait qu'il s'agit d'un premier roman : d'abord, comme je l'ai signalé plus haut, les personnages sont manichéens jusqu'à la caricature, ensuite les idées humanistes de l'auteur, quelque plaisantes qu'elles m'apparaissent, sont un peu trop martelées pour un texte de fiction, et enfin l'aspect science-fictif ressemble trop à la magie pour mon goût, quoi qu'ait pu en dire Arthur C. Clarke en son temps. Rien de tout cela n'est rédhibitoire, ni ne m'a empêchée de prendre plaisir à ma lecture, mais cela pourra rebuter des lecteurs qui attendraient un roman plus "typé SF", ou qui se fieraient un peu trop à l'image de couverture, laquelle porte à imaginer une histoire "pleine de bruit et de fureur" (et de combats spatiaux). Cela ne m'empêchera pas non plus d'espérer que l'éditeur nous proposera la version française du second roman de Chait, qui apparemment se déroule dans le même univers, mais à une époque antérieure. Pour ma part, je n'hésiterai pas à la lire, car j'ai bien envie de donner une seconde chance à cet auteur prometteur.