Les Chroniques de l'Imaginaire

Nés comme ça - Côté, Dave

Les nouvelles de ce recueil, certaines inédites, d'autres réécrites, donnent une assez bonne idée du talent particulier de leur auteur. En effet, même s'il est possible de les classer, par exemple par genre, et on dira SF pour Les olives de MélanieLe talent d'Ati, voire Tout à la fois, EmmaSolitudes ou Seigneur ou esclave, plutôt fantastique pour Vortex, Dans le sillage des extérieurs, L'homme aux chiots, Monsieur Gâteau ou Le casseur de branches, voire horreur pour En prison, cette classification ne semble ni vraiment pertinente, ni utile. Pas pertinent, parce que si les pirates de l'espace, par exemple, font partie des tropes de la SF, ce qu'en fait Dave Côté dans Les olives de Mélanie évoque un peu ce que fait Cervantès avec Don Quichotte, prenant un personnage et le distordant jusqu'à l'absurde ; pas pertinent aussi parce que certaines nouvelles pourraient être classées dans plus d'un genre, témoin Le casseur de branches, que j'aurais pu mettre en fantasy, ou Tout à la fois en fantastique. Pas utile, parce que cela n'aide pas à évaluer leur singularité.

Dans tous les cas, il y a une qualité d'imagination particulière, proche du surréalisme. Monsieur Gâteau, ou d'ailleurs En prison, m'a évoqué l'univers à la fois cohérent et déformé de Salvador Dali. Si le point de départ de toute oeuvre de fiction - et a fortiori dans les littératures de l'imaginaire - est le fameux "Et si... ?", force est de reconnaître que Dave Côté témoigne d'une imagination plus vaste que beaucoup dans le choix de ses prémisses. Cela fait de ses textes de petits bijoux singuliers, d'autant que leur diversité et leur originalité sont servies par une belle écriture.

Les personnages sont touchants, fouillés, crédibles en un mot, même dans le cas de textes courts, et alors que certains sont plus qu'improbables, tels ceux de Monsieur Gâteau ou L'homme aux chiots. Le thème de la différence, et de sa prise en compte, est omniprésent. Il y a le personnage qui est différent, voire monstrueux, qu'il soit constitué de gâteau, qu'il ait un trou noir dans le dos, ou des chiots à la place de mains, mais aussi ceux qui l'entourent, ou les rencontres qu'il fait, et tout sonne juste, ce qui me semble une prouesse, compte tenu de l'ampleur de l'écart par rapport à la norme. Et puis, il y a le personnage qui devient différent, ce qui le rend inacceptable pour ceux qui l'entouraient jusque là, comme dans Seigneur ou esclave. Et qui n'a pas éprouvé combien nos amis, parents ou partenaires, peuvent mal accepter notre évolution ? Et puis il y a ceux pour qui la différence de l'autre en fait un objet utile, en oubliant commodément que l'autre est d'abord un être humain. C'est là un thème particulièrement mis en avant dans Vortex, mais évoqué aussi dans L'homme aux chiots et En prison. Et bien sûr Côté n'a pas manqué de remarquer, et de mettre en scène dans ses textes, la façon dont trop souvent les humains se comportent comme on s'est comporté avec eux, dans Solitudes, par exemple, ou comme ils ont peur que l'on se comporte avec eux, Monsieur Gâteau en étant l'illustration le plus extrême.

En somme, Dave Côté parle de l'humanité, de ce qui constitue l'expérience d'être humain, et nous rappelle, en le démontrant par l'absurde, combien toute définition qui vise à la restreindre est préjudiciable pour tout le monde. En cela, il n'est pas forcément unique, mais la façon dont il le fait, elle, l'est. Certainement, ses textes ne plairont pas à tout le monde, mais tout lecteur attiré par cette alliance, que je trouve personnellement irrésistible, de la plus grande logique et d'une extrême bizarrerie devrait lui donner sa chance, et y trouvera sans doute son bonheur.