Kat est une jeune fille de dix-sept ans plutôt ordinaire. Elle se considère d'un physique quelconque et se trouve complètement déstabilisée face aux hommes séduisants. Elle vit avec sa mère, belle latino récemment divorcée, et sa petite sœur Paige, tout aussi belle que leur mère. Elle adore lire mais, comme sa mère multiplie les heures pour pouvoir payer ses frais d'inscription à l'université, elle consent à se débarrasser de quelques ouvrages lors d'un vide-greniers. Elle ne s'attend pas à ce que l'un d'eux, un ouvrage de contes de fées datant de son enfance, s'effrite dès son ouverture.
Sans le savoir, Kat vient de déclencher la malédiction du roi des gobelins. Ce dernier a placé des ouvrages magiques dans le monde des humains un siècle auparavant et les a protégés par un sortilège : quiconque les détruit est aussitôt projeté dans un univers parallèle, celui du conte concerné par l'ouvrage. Même si elle n'a absolument pas voulu endommager l'ouvrage, Kat est bel et bien projetée dans le livre. L'envoyé du roi des Gobelins la met alors au courant des règles : elle ne pourra pas rentrer chez elle avant d'avoir fait en sorte de mener l'histoire à bien. Kat ne tarde pas à réaliser qu'elle incarne l'une des deux vilaines belles-sœurs de Cendrillon. Mais où est Cendrillon ? Comment faire en sorte que le prince tombe amoureux d'elle ? Et surtout, comment faire illusion dans ce monde où tout est différent ?
En piochant cet ouvrage, je m'attendais à un énième conte de fées revisité où la protagoniste incarne le personnage principal du conte. J'ai donc été aussi surprise qu'elle de la voir incarner l'une des belles-sœurs... même si le titre aurait pu me mettre la puce à l'oreille ! Je ne m'attendais pas non plus à de la portal fantasy, qui donne parfois lieu à des références un peu balourdes à la pop culture mais qui, dans l'ensemble, fonctionne très bien : pour Kat, retourner dans son monde est une priorité bien compréhensible qui insuffle une certaine tension narrative au récit. En outre, j'ai beaucoup aimé ses réflexions sur les inégalités traversant la société dans laquelle elle est plongée, qui n'est pas sans rappeler le début du XIXe siècle en Europe : travail des enfants dans des usines dangereuses, discriminations à l'égard des femmes ou de certaines catégories sociales, ambivalence face à la monarchie, montée du journalisme d'investigation, des conflits et revendications sociales... Ces thématiques ne sont pas abordées très subtilement mais ont le mérite de l'être. Et on comprend très bien comment une jeune femme du XXIe siècle peut s'insurger devant certains des événements auxquels elle assiste.
Cet univers n'en reste pas moins un univers de conte de fées avec... des fées, des gobelins, des coïncidences fortuites. L'équilibre est bien trouvé dans la description de cette société en cours d'industrialisation et néanmoins théâtre de phénomènes surnaturels, inexplicables par la technique ou la science.
Bien entendu, ce récit d'aventures comporte une bonne dose de romance. Quand elle ne défend pas la veuve et l'orphelin, l'objectif de Kat est en effet de rentrer chez elle et, pour cela, de créer une attirance entre le prince et Cendrillon. L'atmosphère de l'ouvrage n'est d'ailleurs pas sans rappeler celle des romances historiques, en particulier celles se déroulant en Angleterre entre le XVIIe et le XIXe siècle : les jeunes filles de bonne famille doivent être présentées à la Reine et assister à un marathon d'événements mondains durant la « Saison », sorte de grande foire matrimoniale. Aya Ling n'a en tout cas rien à envier aux autrices du genre. Les histoires d'amour sont multiples et bien agréables à suivre. Les personnages secondaires - le prince, son cousin Henri, Elle et sa famille, Poppy, Claire, la méchante Bianca sans oublier Martha, la femme de chambre - sont tous bien campés. Certains sont appréciables, d'autres détestables. Rares sont ceux à être nuancés mais, après tout, il s'agit d'un conte de fées.
L'enquête autour de l'identité de Cendrillon et les manigances pour la faire tomber amoureuse du prince (et vice versa) contiennent une bonne dose de suspense. On se prend à compatir aux malheurs de Kat, qui trouve elle-même le prince bien trop séduisant.
Le seul bémol de cet ouvrage est sa fin. Les dernières pages sont très décevantes à la lecture.... mais un peu moins quand on sait que le tome 2 de la série ne se penche pas sur un autre tome ou une autre protagoniste mais reprend l'histoire de Kat.
La vilaine belle-sœur parvient à la fois à être une romance (presque) historique plaisante, un conte de fées revisité un peu insolite, une enquête captivante et un ouvrage de portal fantasy plutôt réussi. Il plaira aux lecteurs à l'âme romantique et attirés par les contes pour peu qu'ils soient prêts à se procurer les suites !
