Les Chroniques de l'Imaginaire

Solaris (Solaris - 210)

Il y avait déjà cinq ans que le prix de cette excellente revue québécoise n'avait pas changé, et bien sûr cela ne pouvait durer éternellement, d'où une légère augmentation. Il faut noter que le prix de l'abonnement pour un ou deux ans, lui, n'augmentera pas avant le mois de juillet. Une excellente raison, s'il vous en fallait une, pour s'y abonner maintenant. Les périodiques, plus encore que les autres publications, ont absolument besoin de leurs fidèles lecteurs, ergo, de leurs abonnés, pour survivre, or la disparition de la revue, après tant d'années, serait infiniment dommageable pour ceux qui la suivent fidèlement, et pour les auteur-e-s qu'elle a contribué à mettre en avant au fil du temps. Toutes les informations sont ici.

Et la démonstration de sa richesse est encore une fois faite avec ce numéro. Le volet Fictions, particulièrement riche et varié, regroupe :

Oikos cherche cuisinière, de Geneviève Blouin : "Le futur sera durable ou ne sera pas". Mamie Carola est bien placée pour le savoir, elle est celle qui a inventé la formule, et qui a créé cette oikos où elle finit sa vie. Une vie longtemps utile, que sa petite-fille Mélanie voudrait prolonger encore. Une superbe nouvelle où s'entrelacent harmonieusement les sentiments humains et les descriptions d'un futur possible. J'y ai retrouvé avec bonheur la belle plume de son auteure.

Voix d'escatombe, de Vincent B. Crépeault : inconscient de son état de burn-out, et insoucieux des conséquences, Martial s'expose à l'escatombe. Mais cette machine qu'il a contribué à créer se révèle plus performante que prévu. Cette histoire n'est pas d'une originalité renversante, mais elle est bien racontée, et intéressante, surtout pour un premier texte publié.

A l'origine du temps, d'Andréa Renaud-Simard : les Marcheurs gardent le monde en mouvement, ils sont sacrés. Aya a toujours espéré avoir un fils qui deviendrait l'un d'eux, un Omane. Et voici que son rêve devient réel. Cette belle nouvelle évoque tout un monde complexe, descendant d'une catastrophe à peine suggérée, passée depuis longtemps. L'histoire est très plaisante, narrée d'une belle écriture, fine et fluide, que j'ai retrouvée avec plaisir après la victoire de son auteure au prix Solaris en 2017.

Moins que Katherine, de Claude Lalumière : quoi qu'ait fait Katherine, quoi qu'elle fasse, son père sait que, au fond, ce n'est pas elle qui est coupable. Je n'avais pas oublié la nouvelle du même auteur que j'avais lue dans un précédent numéro de Solaris. Celle-ci est une histoire d'horreur aux personnages remarquablement subtils et monstrueux, engagés dans une relation toxique, qui interroge sur la nature de l'amour parental. L'une de mes préférées de ce numéro.

Bulles d'amour dans un ciel irrespirable, de Jean-Louis Trudel : Xanthane morte, Raoul n'hésite pas à saborder l'aérocité où elle vivait, en exigeant que l'immortalité, sur laquelle travaillent les Technophiles, soit accordée à tous sans exception. J'ai bien aimé le cadre de ce texte : la planète Vénus est suffisamment rare en SF pour que je salue la vraisemblance et l'originalité de cette belle nouvelle.

En bonne ailurophile, j'ai adoré lire les Carnets du Futurible signés, comme toujours, Mario Tessier, étant donné qu'ils étaient consacrés aux Chiens mutants et cosmochats, ou les animaux de compagnie en science fiction, malgré le biais cynophilique de leur auteur. Comme toujours, j'ai appris beaucoup de choses, et noté précieusement le nom d'une anthologie consacrée à mes animaux de compagnie préférés.

Dans le même ordre d'idée, l'argumentaire d'Elisabeth Vonarburg en faveur de Red Moon, de Kim Stanley Robinson, me donne de fortes envies de me procurer ce roman, malgré mes avis... contrastés sur certaines des œuvres précédentes de son auteur. De la même façon, si La science fait son cinéma me laisse froide, ce que dit Philippe-Aubert Côté de Comment parler à un alien ? de Frédéric Landragin me le fait noter comme un possible achat futur. Toujours de bonnes idées de lecture dans les parties "critiques" de la revue...