Les Chroniques de l'Imaginaire

Bronx, la petite morgue - Guillaume, Laurent

New-York, durant les années cinquante. Mike Dolan sort de la prison de Sing Sing où il vient de purger une peine de huit ans pour le braquage et l'assassinat d'un diamantaire juif. C'est un dur à cuire d'Irlandais, ancien boxeur, médaille d'honneur du congrès pendant la seconde guerre mondiale, expérience qui l'a laissé boiteux après avoir reçu une balle à Okinawa. Son surnom : "la tombe", car il n'a jamais donné qui que ce soit et n'a rien dit aux flics pendant les interrogatoires.

Mike traverse New-York pour retourner chez lui, mais la ville a bien changé pendant son incarcération. La misère, la drogue ont fait des ravages, la violence et les camés gangrènent son quartier d'enfance : le Bronx. Il y croise de vieilles connaissances et trouve à loger chez Margaret Orchard, ancienne maîtresse de son père. A chaque rencontre, la même question : "pourquoi es-tu revenu ?".

Dolan a une obsession en tête, retrouver le responsable de la disparition de son frère Ritchie, inspecteur du Strike Squad, unité de police ne faisant pas de cadeaux aux voyous. Celui-ci a disparu au moment de son incarcération et beaucoup soupçonnent Mike de l'avoir tué.

Mike et Ritchie étaient les exacts opposés, leur père disaient d'eux que le "visage de Ritchie exprimait la gentillesse et la sincérité" tandis que celui de son petit frère "disait la violence et la colère". Paroles dures d'un père, déçu par le chemin vers la délinquance qu'avait pris son fils.

Dolan se rend ensuite dans le quartier noir, encore plus miséreux que le sien, chez Cora, une prostituée, mais aussi son ancienne maîtresse. Une gamine métisse de huit ans est là, à le fixer avec les mêmes yeux que les siens. Mike s'interroge : est-ce sa fille ? Cora ne peut l'affirmer...

Pour trouver un boulot, il retourne à son ancienne salle de boxe et retrouve son entraîneur de l'époque qui l'accueille plutôt froidement car il ne lui a jamais pardonné d'avoir gâché sa vie. Il y croise aussi Seamus Kerrigan, le caïd du Bronx venu le rencontrer pour lui proposer de travailler pour lui. Seamus et Ritchie étaient amis au collège mais en grandissant, pendant que l'un devenait un flic incorruptible l'autre prenait une voie plus sombre.

Mike sait que c'est en étant au plus près de Kerrigan qu'il trouvera la vérité sur la disparition de son frère et il est prêt à tout pour y parvenir et le venger.

J'ai lu ce livre en une journée, tellement j'ai voulu comme Mike découvrir ce qu'il est advenu de son frère. Quand on commence la lecture, on ne lâche pas ce livre facilement. C'est sombre, l'atmosphère est glauque, tendue et les descriptions de l'auteur sont tellement réalistes qu'on a l'impression d'y être et de revoir des images de films.

On y croise des gangsters et policiers irlandais, des flics corrompus et aussi pourris que les voyous qu'ils pourchassent. On sent la lente dégradation des conditions de vie des habitants du Bronx et son évolution vers ce qui deviendra le quartier le plus violent des États-Unis.

Un vrai plaisir de lire ce polar écrit non pas par un Américain mais par un Français : Laurent Guillaume. Ses personnages sont attachants, Mike le dur qui veut se venger mais dont on sent qu'il veut s'éloigner de toute cette violence, Margaret Orchard qui voit l'évolution de son Bronx, et même Seamus Kerrigan l'ultra violent caïd qui a quelque chose de touchant.

Une belle plongée dans le Bronx d'après-guerre qui n'est pas une pâle copie des romans noirs américains !