Les Chroniques de l'Imaginaire

Zamor, le nègre républicain - Miserole, Ludovic

Louveciennes, petit village de Seine-et-Oise, septembre 1793. Deux hommes sont attablés dans une auberge. L'un s'appelle Greive, dit l'Américain, et l'autre, Zamor, est un homme à la peau sombre que l'on surnommait il y a peu encore, "le Nègre de la Du Barry".

Madame Du Barry est l'ancienne maîtresse du roi Louis XV, détestée du peuple mais adorée des habitants de Louveciennes pour ses bienfaits. Louis XVI a été exécuté en janvier de la même année et les révolutionnaires cherchent encore des têtes à faire tomber. Greive est l'un d'eux, il voue à la comtesse une haine inexpliquée et cherche par tous les moyens à l'arrêter. Il semble avoir trouvé en Zamor le complice idéal.

A huit ans, il a été enlevé à sa mère en Inde par des marins anglais puis offert à la favorite de Louis XV. Celle-ci l'a élevé, éduqué, lui a permis de connaître les ors de Versailles mais l'a aussi petit à petit transformé en poupée vivante qu'elle montrait à ses courtisans lors des dîners. Poupée que l'on moquait souvent et qu'elle a fini par délaisser petit à petit alors que Zamor grandissait.

Alors, après des années de frustrations et de manque de considération, il a décidé de la trahir et d'aider ce Greive. Mais face à ce dernier, dans cette auberge, il est encore partagé entre amour et haine pour son ancienne protectrice. Il veut bien être complice mais il n'est pas encore prêt à l'affronter lors de son arrestation.

Zamor va-t-il aller jusqu'au bout de sa vengeance et quelles en seront les conséquences pour lui et les autres ?

Ludovic Miserole dans ce livre arrive à mélanger vérité historique et le romanesque avec l'histoire de ce personnage intéressant, venu de nulle part et qui va côtoyer les plus grands acteurs de la monarchie française. On se retrouve plongé au cœur de cette période troublée de l'histoire de France, où il valait mieux ne pas être noble, ou proche de la noblesse, sous peine d'avoir sa tête sous l'échafaud. On découvre dans ce récit la machine implacable qu'était le tribunal révolutionnaire, on y trouve aussi toutes les bassesses dont sont capables les hommes pour s'accaparer les biens d'autrui ou pour assouvir leur vengeance.

La vie de cet homme, arraché enfant à sa mère et son pays, m'a intrigué. On partage les états d'âme de Zamor, véritablement plongé dans un terrible conflit intérieur qui le ronge et le poursuivra durant le reste de sa vie. On arrive à comprendre les raisons de sa trahison même si on ne les excuse surtout pas, et l'on découvre comment cet homme de couleur, ancien serviteur d'une maîtresse royale, a pu survivre à la Révolution et se construire une vie loin des fastes de sa jeunesse. Il y gagnera un surnom peu enviable : "l'ami Zamor".