Les Chroniques de l'Imaginaire

La muse des cauchemars (Le faiseur de rêves - 2) - Taylor, Laini

Minya a sauvé Sarai de la disparition définitive : la jeune femme est morte, mais son fantôme demeure, rattaché par un fil invisible à Minya qui la tient fermement et lui évite de partir. Pourtant, le soulagement est de courte durée : Minya ne vit que pour la vengeance, et même l'affection qu'elle porte à sa presque sœur ne la retient pas de l'utiliser pour faire chanter Lazlo. Celui-ci doit choisir entre se mettre au service des desseins punitifs de la cruelle Minya ou perdre sa bien-aimée. Il a promis à sa belle de la protéger à tout prix, mais ne souhaite pas pour autant la mort de tous ses amis de Désolation, cibles désignées de Minya...

Dans un autre monde, à une autre époque, vivent deux sœurs qui pourraient être jumelles malgré leur année d'écart, tant elles sont semblables dans leur physique mais aussi dans leurs espoirs : Koraetnova, Kora et Nova. Elles vivent misérablement dans un village reculé de l'Empire, attendant impatiemment le jour où les Serviteurs à la peau bleue viendront révéler leur don unique. Ceux dont le don est trop faible ou inutile retournent à leur vie d'avant, mais les deux adolescentes sont sûres qu'elle seront choisies, puis rejoindront la capitale pour y servir l'Empereur.

Encore une fois, Laini Taylor a réussi à m'emporter dans son univers sans coup férir. J'ai retrouvé avec grand plaisir Lazlo et Sarai, juste après le final du premier tome, affrontant des dilemmes moraux insoutenables sans y perdre leur humanité. Lazlo n'est plus un humain mais un dieu, et c'est pour lui très inattendu ; Sarai n'est plus une mortelle mais un fantôme, et c'est d'autant plus difficile à "vivre" que Minya tient étroitement sa "laisse" et use de son corps par la contrainte. Ces personnages sont vraiment sympathiques, de même que les personnages secondaires qui orbitent autour d'eux et qui apportent régulièrement une touche d'humour et de légèreté, que ce soit au ciel dans la Citadelle ou au sol dans Désolation.
En alternance, on suit également la vie de Kora et Nova, qui vont affronter des épreuves qui vont les changer à jamais. Ce sont des personnages moins attachants, mais tout aussi intéressants à découvrir.

Les deux histoires racontées en parallèle permettent en effet d'éclaircir tous les points d'ombre de l'histoire : les pouvoirs inattendus de Lazlo, les apparitions occasionnelles de l'aigle blanc, le corps enfantin figé de Minya... L'autrice s'en tire avec brio, nous apportant toutes les réponses au fil des pages. Tous les détails s'emboîtent parfaitement dans un récit indubitablement bien maîtrisé.

Et ce, sans sacrifier les rebondissements dans ce deuxième tome tout aussi haletant que le premier, sans temps mort. Le lecteur ne peut que s'interroger pour savoir comment les jeunes gens à la peau bleue vont bien pouvoir se tirer de leur situation désespérée, et vivre au rythme des doutes des personnages. Les surprises ne vont pas manquer, en bien comme en mal. Les divers pouvoirs des personnages sont employés à bon escient, apportant de la force à l'intrigue.

Le roman interroge sur les réactions possibles face à un événement traumatisant. Minya s'accroche à sa haine des humains, tandis que Sarai est prête à pardonner aux responsables du Carnage. Eril-Fane, le Tueur de Dieux, est dévoré par une culpabilité si intense qu'elle a gâché sa vie. Quant à Nova, sa colère et son espoir l'ont envahie si entièrement qu'il n'y a plus de place en elle pour quoi que ce soit d'autre...

Vraiment j'ai adoré cette duologie young adult bien écrite et bien pensée, qui est une vraie réussite. Bravo Laini Taylor, je ne manquerai pas de garder un œil sur de futures publications !