Le sénéchal Philippe Gardeval n'aurait jamais pensé que sa fidélité au roi Edouard VI, son ami, pût jamais être mise en question. Et pourtant, quand le roi échappe de peu à une tentative d'empoisonnement, le nouveau chancelier, Othon de Ligias, n'hésite pas à le soupçonner. Il est vrai que le sénéchal et le chancelier se sont pris l'un envers l'autre d'une haine farouche dès le premier regard échangé.
Ce n'est toutefois pas le bon moment pour des querelles intestines : l'immense armée du roi Lysander de Castlewing arrive sous les murailles de Lysimaque, bien que des éclaireurs eussent affirmé qu'elle se dirigeait vers Carmeni. Alors que le siège se met en place, Edouard rencontre son assiégeant sous pavillon de trêve, et a la mauvaise surprise de découvrir que Lysander a la conviction de mener une guerre sainte, soutenu qu'il est dans cette opinion par la présence à ses côtés du séraphin Démosthène.
Le monde créé par Grégory Da Rosa se distingue à mon sens par l'attention très grande portée à la religion dominante, qui est tout à fait originale. Certes, on peut en trouver des équivalents dans notre univers, mais il n'empêche que les détails creusés, ainsi que la personnalité tant des syncres que des syncraliers, en font un tout à la fois crédible et cohérent. Outre les personnages que l'on peut s'attendre à rencontrer dans une cour royale, ce roman a la particularité de faire intervenir des êtres célestes de notre propre sphère culturelle, lesquels jouent de surcroît ici un mauvais rôle, en pratiquant notamment la nécromancie. Ce brouillage des repères, ce jeu avec les attentes du lecteur coutumier du genre, est plaisamment réalisé, et bienvenu.
L'intrigue exposée dans ce premier tome, qui se termine en plein suspens, couvre les trois premiers jours du siège d'une ville, qui enclot le château royal, sis sur une île entre la ville haute et la basse. L'action se répartira entre ces trois lieux géographiques. Et, certes, l'action ne manque pas, laissant à peine le temps au lecteur de respirer entre deux assauts sur la personne du roi et de sa fille, tous deux défendus avec acharnement par le sénéchal, même si celui-ci a ses propres soucis.
C'est là un premier roman prometteur, même si j'ai été agacée par des tics de langage qui m'ont paru inutiles et surjoués : l'emploi d' "icelui", qui a été remplacé en français moderne par "celui-ci", et qui s'employait dans les mêmes circonstances que ce dernier, non à tout bout de champ, en est l'exemple le plus frappant. La grossièreté des personnages ne m'a pas paru non plus apporter quoi que ce soit, par son aspect systématique et généralisé.
Sans doute s'agit-il là de marques de jeunesse, qui disparaîtront au fil des œuvres. Quoi qu'il en soit, je ne doute pas que ce roman plaira à des lecteurs fans d'action, et qui ont aimé tant l'univers de Gagner la guerre, de Jean-Philippe Jaworski, que celui de Game of Thrones, évidentes références de Da Rosa.