Après sa rupture traumatique avec Raphaëlle, qui l'a planté là le jour anniversaire de leurs cinq ans d'amour, Bertrand sombre : il perd son boulot et n'a plus guère d'autres relations que son chat, Five. La voir vivre sans lui sur Internet lui donne l'envie de l'y assassiner, et de là naît une idée originale : créer une société qui gérerait le devenir des données numériques après la mort de leur créateur. Il trouve un banquier imaginatif pour le suivre, embauche un ex-hacker, et le succès est très vite au rendez-vous.
Un jour, toutefois, il est troublé par l'annonce de la "mort accidentelle" d'une jeune femme de son âge, née dans la même ville que lui, seulement quatre jours après qu'elle avait souscrit un contrat avec Obsèq-Net pour la suppression totale de ses données numériques après son décès. Violant toutes ses règles, il s'approprie l'enregistrement des données d'Inès Bargnon pour comprendre ce qui l'a menée dans ce cimetière virtuel qu'il a joliment nommé "le jardin des étoiles mortes".
Le pitch de ce roman m'avait paru original, et je n'ai pas été déçue par ma lecture. D'abord, l'histoire est bien écrite, avec des personnages cohérents et crédibles, à la possible exception de Richard, en ce qui me concerne, mais il est secondaire dans l'histoire. La progression en parallèle de l'intrigue tournant autour de Bertrand et de celle racontant la vie d'Inès entre sa rencontre avec Edgar-Lucas et sa disparition est bien maîtrisée. L'évolution des personnages, et des relations qu'ils entretiennent, est finement décrite. En soi, c'est donc un roman tout à fait recommandable, et très plaisant à lire.
Mais pour les curieux dans mon genre, qui veulent aller plus loin, il ouvre aussi un débat sur un sujet abordé dans la loi RGPD d'octobre 2016, mais qui n'est pas encore totalement encadré à l'heure actuelle. En effet, c'est à chacun d'organiser, de son vivant, sa propre disparition, ou sa survie virtuelle, et auprès de chaque détenteur de données personnelles. Et ce "testament numérique" peut, comme toutes dernières volontés, s'opposer aux vœux des proches du défunt, comme cela est mis en scène dans le roman pour Nicolas B.
Car c'est justement, à mon avis, la force de ce roman que de nous faire réfléchir sur ce que nous faisons et voulons faire de nos informations numériques, voire de celles de nos proches, de façon indirecte et imagée, par la mise en scène de situations. C'est certainement, avec le divertissement, l'un des objectifs de la littérature, et il est en l'occurrence atteint. En somme, que vous souhaitiez juste passer un bon moment avec une histoire originale de romance, ou vous interroger sur l'opportunité de la création d'une société telle qu'Obsèq-net, songez que ces deux raisons de le lire ne s'excluent certes pas, alors foncez !