Nous sommes autour de 1865, aux Etats-Unis, plus précisément en Caroline. L'état du Sud, qui a été un des premiers à se soulever, a été marqué au fer rouge, durant les quatre années de cette guerre de Sécession. A présent, il est peuplé de ruines, et des fantômes des soldats qui sont morts ici, en même temps que la population civile, d'ailleurs... Maintenant, on fait la connaissance de Dorothy, qui était présente lorsque la ferme de ses parents a été pillée, et qui a vu le sort qui a été réservé à sa propre mère. Dorothy revient sur les lieux de la ferme en question. Tout ce qu'elle y retrouve est son chien, et une paire de bottes...
Et puis, il y a Alice, une petite fille qui a vu des choses qu'elle n'aurait sans doute jamais du voir. Depuis, Alice vit dans son monde, peuplé de lapins blancs, de chapeliers et de thé. Un monde imaginaire, qui a tout de l'univers de Lewis Carroll, dont le célèbre Alice au pays des merveilles... Alice est seule dans ce Sud où elle a aussi tout perdu. Elle ne tarde bientôt pas à y rencontrer Dorothy, une gentille fille, qui a un chien très rassurant.
Mais il y a aussi les anciens Confédérés, qui reviennent dans leur terre natale. C'est le cas ici de trois d'entre eux : Hunk a le visage déformé par une explosion, Zeke a une musculature impressionnante mais se met à trembler au moindre coup de pétard, et Hickory a des débris d'obus qui se sont plantés dans le crâne, lui faisant d'étonnantes cornes de métal sur le front. Les trois hommes vont essayer de retrouver leurs terres, même si cela s'annonce compliqué. Les Nordistes ont gagné la guerre et, avec elle, les différentes propriétés qui fleurissent dans les états du Sud. Il va falloir se battre et serrer les fesses, à présent, pour retrouver une place dans la société...
Et c'est ainsi que les trois anciens Confédérés vont aussi faire la rencontre de Dorothy et Alice. Ensemble, ils iront à la recherche de l'or de la Caroline, qui a été transformé en lingots d'or, des lingots que les Nordistes ont pris soin de cacher. Pour le groupe de cinq personnes brisées, il va maintenant falloir bouger, et vers des endroits où le Ku Klux Klan a commencé à faire parler de lui. L'horreur n'est pas prête de s'arrêter...
C'est à Damien Marie que l'on doit ce récit, qui est édité dans la collection Grand Angle de Bamboo, comme d'ailleurs d'autres séries de ce scénariste (Welcome to Hope, Ceci est mon corps...). L'auteur a ainsi imaginé ce que représentait ce retour au pays, pour les perdants de la guerre de Sécession. Une réflexion intéressante et intelligente, qui donne d'emblée une originalité bien établie à la série, du fait de ce contexte historique.
Le livre est ainsi l'occasion de nombreux flashbacks, et pour assurer la complexité d'une telle narration, il fallait un dessinateur hors pair, capable de relever le défi des personnages, des lieux, des décors variés. En cela, Fabrice Meddour nous gratifie là de planches tout à fait remarquables et exceptionnelles. On tient là une explosion de couleurs et de finesse, dans tous les sens du terme. Chaque case est magnifiquement travaillée, et la fragilité d'Alice est troublante et parfaitement retranscrite. On appréciera au passage les clins d’œil à Alice au pays des Merveilles, bien entendu, mais aussi, et c'est plus surprenant, à Aliens, le retour, avec cette Dorothy qui fait office de lieutenant Ripley en trouvant et nettoyant Alice.
Ce premier tome de Après l'enfer est une pure merveille, à mettre entre beaucoup de mains, pour découvrir un pan méconnu de l'Histoire américaine. Vivement la suite de ce qui devrait être un diptyque !
