Le Pequod est face à son cauchemar, armé comme un dreadnought. Le kraken se dresse devant le baleiner. Immense. Terrible. Venu d'un autre temps. Signe de l'apocalypse pour l'ère des hommes.
Il s'abat sur le navire.
Au même moment, à terre, le vieux naufragé chante la mort, nomme Cthulhu et les abominations.
La longue introduction du premier tome est terminée. Le dieu-poulpe, c'est de l'action, dans tous les sens et à tous les niveaux. Finie, la tentative relativement réussie de construire une ambiance sortie des meilleures séances de L'appel de Cthulhu. Ça explose, ça déchiquette et Lainé balance dans le mixeur l'ensemble de ce qu'il a présenté dans La baleine blanche (Melville, Lovecraft, Verne, Shelley...) dans un album digne d'un comic d'action plutôt lourdingue où la crédibilité n'est plus que vague et l'atmosphère s'est noyée au fond de l'Atlantique.
Je le concède, Cthulhu et ses potes sont loin d'être réels mais dans un bon récit ils passent pour vraisemblables et angoissants. De plus, l'ambiance posée est le cœur des textes de Lovecraft. Ici, pour le présenter de manière colorée, à côté des scènes de baston, certains passages me rappellent l'origine du monde selon les scientologues vue dans la série South Park.
Heureusement, le dessin de Vukic est à la hauteur des ambitions du scénario, autant celles qui m'ont plu que celles qui m'ont agacé. Il est globalement bien fait. On ne notera, par contre, pas d'amélioration au niveau de la souplesse des personnages et des expressions faciales qui semblent très forcées - on en reparle juste après.
Vukic met en images l'approche stylée comic book de son collègue Lainé. On a l'ensemble emblématique des BD américaines d'action avec des héros forts (gros plan !), couillus (gros plan ?) et déterminés à fond (gros plan !) mais, surtout, grimaçant (sur tous les gros plans...) à un point tel que cela devient franchement embarrassant.
Rien à dire, toutefois, sur la découpe des très nombreuses séquences de combats, de leur niveau de détails et de leur cadrage. C'est du beau travail qui assure un rythme soutenu aux batailles, avec la pluie, avec les éclairs et la mer déchaînée en fond. Nonobstant l'aspect comic book du Dieu-poulpe, ces scènes valent le coup d’œil, en particulier la dernière contre le kraken qui est superbement réalisée.
Au final, qu'en penser ? Le dieu-poulpe se serait-il réveillé du mauvais tentacule ? J'avoue que je ne m'attendais pas à un comic d'action pour finir ce diptyque sur les Grands anciens et j'ai beaucoup de mal à digérer le mélange de toutes les influences des auteurs. Trop riche, pas assez lié, rappelez-vous le film La ligue des gentlemen extraordinaires.