La revue est partagée entre des fictions, un dossier et des critiques, sachant que ce numéro d'été 2019 fait un inévitable retour dans le passé d'un demi-siècle, le premier alunissage étant évoqué par Pierre Gévart dans son éditorial.
Dans le volet Fictions, on trouve :
La zone du Dedans, de Bruno Pochesci (Prix Alain le Bussy 2018)
Suite à une expérience scientifique qui a mal tourné, une distorsion temporelle commence à engloutir la Suisse, tout en épargnant les plus âgés. Un commando d'outre-seniors est donc envoyé pour essayer de résoudre le problème. Bien sûr, avec des effets inattendus.
Ce texte d'ouverture avait a priori tout pour me plaire, mais je ne suis pas arrivée à m'y intéresser, ni aux personnages, sans doute à cause du langage employé, qui m'a paru à la fois relâché et plein de stéréotypes.
La fille des couloirs, de Sylvie Gagnere
Fadama est considérée comme une cause perdue par à peu près tous ses professeurs, mais elle peut avoir de l'aide, si elle l'accepte.
Cette nouvelle est une reproduction dans l'espace de ce qui se passe sur notre monde à l'heure actuelle, ce qui, honnêtement, n'apporte pas grand-chose. Toutefois, je l'ai trouvée bien écrite, avec des personnages crédibles.
Pour les oiseaux, de Celia Chalfoun
Dans ce monde, on est prédicteur ou communicateur, et les prédicteurs doivent se marier entre eux pour avoir des enfants qui aient une chance d'hériter de leurs capacités. On a des signes ou on n'en a pas. Mais William s'en fiche. Il aime Nit, il lui apprend tout ce qu'on lui enseigne, et il est émerveillé par le don de la petite fille, aussi puissant qu'inhabituel.
L'un de mes textes préférés, avec cette présentation subtile d'un monde à la fois proche et étranger, dont les mystères se dévoilent petit à petit, et des personnages cohérents et crédibles, sur l'ambivalence des réactions face à Cassandre.
Chroma, de Laurianne Gourrier
Après trois ans d'observations et de mesures minutieuses, les colons, enfin rassurés, décident de s'installer véritablement sur Chroma. Mais le jour de la pose de la première pierre de la future agglomération, des phénomènes inexpliqués se produisent. Et ce n'est que le début...
J'ai particulièrement apprécié la durée du suspense élaboré par l'auteure, car pendant la plus grande partie de la nouvelle, on ne sait pas si elle va basculer du côté de l'horreur ou de l'utopie. Par ailleurs, ce monde où les couleurs occupent une place prépondérante m'a paru à la fois original et séduisant.
Mecanopolis, de Miguel de Unamuno
Un homme perdu dans le désert se retrouve, sans savoir comment, dans une cité où tous ses besoins vitaux sont assouvis par des machines et dont les hommes ont disparu.
Si je ne m'attendais pas à trouver une nouvelle de SF sous la plume du très sérieux romancier et essayiste espagnol, les idées qu'elle met en scène ne m'ont pas étonnée de la part de ce grand humaniste. Une découverte intéressante.
Mercredi ?, de Thierry Soulard
Un pensionnaire de maison de retraite est emmené dans le futur par une arrière-petite-fille qu'il ne se souvient pas d'avoir.
Cette nouvelle m'a laissée perplexe. Après deux lectures, je ne suis toujours pas convaincue d'avoir compris de quoi il s'agissait. Donc, si le but visé est la désorientation du lecteur, il est atteint en ce qui me concerne !
Le Cube, d'Aline Jeannet
C'est un artefact impénétrable aux scans, même ceux de Cléo, pourtant experte en la matière.
Je ne suis pas vraiment arrivée à entrer dans cette nouvelle, mais les personnages sont puissants et crédibles.
Le dossier Terraformer la Lune ?, de Jean-Pierre Laigle, était tout à fait passionnant, surtout en ce qu'il citait des textes dont j'ignorais l'existence. J'aurais seulement aimé qu'il soit plus long. Il est complété par une bibliographie et par trois textes de fiction.
Pitch de vente aux Archétypes, de Michèle Laframboise, m'a particulièrement plu : il met en relief la façon dont il peut nous arriver d'incarner des archétypes. Dans ce cas, pourquoi ne pas les laisser se débrouiller entre eux ? Même avec un enjeu aussi important ? Même. Après tout, même un archétype peut vous surprendre... Cette auteure québécoise, familière des pages de Solaris, est décidément une valeur sûre. Son texte, à la fois ironique et tendre, fait partie de mes préférés de la revue.
La Terre est un autre jardin, de Jean-Louis Trudel, est original en ce qu'il joue habilement avec les codes, les références et les attentes du lecteur : on y voit une journée qui se répète, des extra-terrestres qui démontrent que le pacifisme a des conséquences inattendues, et que la réalité est peut-être surévaluée. En somme, rien de très neuf, quand on prend chaque élément séparément, mais le résultat final n'en est pas moins remarquable, même si l'auteur québécois nous y a habitués.
Gens de la Lune, de J. Jacquin, m'est resté inaccessible, en ce que je ne suis pas arrivée à le lire sur ma liseuse, les caractères en étant trop petits et non augmentables. C'est d'autant plus dommage que ce texte est réservé à la version numérique de la revue.
Enfin, on trouvera dans ce numéro un article sur Pink Floyd, comme pont entre la musique et la SF, écrit par Jean-Michel Calvez et Jean-Guillaume Lanuque, qui m'a rajeunie d'un coup d'un seul. Comme l'a fait, d'ailleurs, l'article suivant sur Jean-Louis Thirion, bien documenté et à la fois instructif et agréable à lire. Enfin, les rubriques de critique sont toujours bienvenues.