Cuba, en 1957, vit sous la dictature de Batista. Deux guérillas tentent de combattre le dictateur, l'une est dirigée par Fidel Castro, l'autre, le Segundo Frente, par Eloy Menoyo. En décembre de cette même année débarque à La Havane un Américain qui, par l'intermédiaire d'un ancien ami, tente de rejoindre Castro pour se battre avec lui. Presque par accident, il est plutôt envoyé vers le groupe commandé par Menoyo.
Après un interrogatoire, on apprend qu'il se nomme William Morgan, qu'il est un ancien marine et que sa motivation pour rejoindre la guérilla est que "ça l'emmerde que son pays soutienne un type comme Batista". Par contre, il a une seule exigence, que le groupe ne rejoigne pas l'idéologie communiste. En cela, il est rassuré par Eloy Menoya, qui estime que les communistes s'emploient d'abord à convertir tout le monde et à éliminer ceux qui ne pensent pas comme eux plutôt qu'à combattre. Pour lui, le seul but de sa résistance, c'est de renverser la dictature.
D'abord méfiants, les membres du Segundo Frente vont se rendre compte que Morgan est sincère, bon camarade mais surtout très compétent militairement et qu'il permet au groupe de s'aguerrir et d'obtenir de bons résultats face à l'armée. Petit à petit, la légende du Comandante Yankee commence à parcourir le pays, car Morgan va prendre de l'importance au sein du mouvement, devenir un commandant de la révolution et participer à la libération de La Havane. Il se laisse même convaincre par Fidel Castro, croyant en lui, alors qu'il se heurte plusieurs fois avec un autre étranger de la révolution cubaine : Ernesto Guevara. Malheureusement, cela ne sera pas sans conséquences.
J'ai demandé à faire la chronique de cette BD car ce William Morgan m'a intrigué. Tout d'abord parce que, moi qui m'intéresse beaucoup à l'histoire, je n'avais jamais entendu parler de lui et l'on comprend mieux pourquoi après la lecture. Ensuite, pour comprendre comment un ancien militaire américain dans les années soixante a pu rejoindre le groupe de Castro (que l'on soupçonne fortement d'être proche de l'URSS) pour combattre un allié des Etats Unis.
Je vous avoue que je n'ai pas été déçu par ma lecture, car il s'agit d'un véritable roman graphique qui retrace les grands faits historiques de la révolution cubaine. J'ai appris énormément de choses sur cette période-là, c'est très documenté et l'on voit que les dix années de recherches de l'auteur n'ont pas été vaines. En dépit des multiples interactions, des nombreux personnages et de la multitude d'événements, on n'est pas perdus dans l'histoire car le récit reste fluide et l'on arrive toujours à reconnaitre les protagonistes au long de l'histoire.
Même si je ne suis pas un fan des dessins de Gani Jakupi, la palette de couleurs utilisée permet de rendre presque palpable l'atmosphère de Cuba à cette époque. Les traits sont précis et les compositions sont harmonieuses et lumineuses.
Quant à William Morgan, ce fut une agréable surprise de découvrir ce personnage à la personnalité franche, aux idées claires et au passé tortueux. On sent que, pour lui, ce combat contre la dictature et son pays d'origine est un peu d'une forme de rédemption. On y découvre aussi des hommes méconnus de la révolution, plutôt intègres et qui étaient guidés (pour des raisons diverses) par de forts idéaux.
Au passage, la légende du Che est quelque peu égratignée et l'on est loin de son image romantique véhiculée par le cliché légendaire de Korda. Après avoir terminé l'ouvrage, on comprend mieux comment Morgan, qui avait réussi à devenir une légende auprès du peuple cubain et qui était devenu une star des médias internationaux, a complètement disparu de l'histoire officielle de la révolution cubaine. Il n'est malheureusement pas le seul, ses compagnons du Segundo Frente ont subi le même sort..
Je vous recommande donc cette lecture, pour l'Histoire, sa documentation en fin d'ouvrage et surtout pour l'hommage rendu à William Alexander Morgan et ses frères d'armes.