Les Chroniques de l'Imaginaire

L'héritière (Testament - 1) - Debats, Jeanne-A

Après la mort de sa famille dans un accident de voiture, Agnès Cleyre est embauchée par son "oncle" Géraud, qui gère une étude de notaire. Cette phrase simple demande quelques développements : la mère d'Agnès était une sorcière, qui n'a malheureusement jamais rien pu faire pour faciliter la vie de sa benjamine, à laquelle les fantômes s'attachent de façon terrifiante, et qui est de surcroît allergique à tout ; quant à "l'oncle" Géraud, un nécromancien pluri-centenaire condamné à voir sa vie se rallonger chaque fois qu'il utilise ses pouvoirs magiques, amant de la mère d'Agnès qui l'a aimé toute sa vie, il n'a aucun lien de sang ni avec la mère ni avec la fille ; quant à l'étude de notaire, il s'agit en fait de gérer, entre autres, les "successions" compliquées des êtres de l'AlterMonde, notamment les vampires.

Agnès a le temps de s'habituer au travail de recherche, dans différentes langues anciennes, qu'elle doit faire, avant que n'arrive une affaire importante. Herfauges, fils de dame Bathilde, Maîtresse de Cénacle, a été condamné à mort, mais il doit d'abord léguer son pouvoir à l'un de ses descendants. En effet, le Cénacle ne peut rester sans Dauphin. Et voilà donc Géraud et son équipe à la poursuite d'une descendante éventuelle pour un vampire plus que millénaire. Leur tâche est en outre compliquée par le fait que certains, parmi les vampires, ne tiennent pas du tout à ce que leur mission réussisse.

Je n'aime pas vraiment la bit-lit, et le personnage du vampire a tendance à m'insupporter. Il a fallu que je m'amuse avec Gail Carriger pour consentir à m'intéresser un peu au genre. Cela, et le fait que le présent roman est signé de Jeanne-A Debats, m'en rendait toutefois curieuse.

L'appartenance des personnages surnaturels, tous territoriaux à un point extrême, à la ville, Paris, voire aux quartiers, qu'ils occupent m'a semblé donner au roman une grande part de sa richesse. En effet, elle justifie les parcours tortueux, et certaines des mésaventures, du personnage central, qui vise à éviter les spectres, et le découpage de la capitale entre garous et vampires, comme entre les différentes meutes.

Entre la mise en place d'un univers riche, personnel et prometteur, et une action quasi incessante, il reste peu de pages à consacrer au développement des personnages et de leurs relations. Ainsi, on ne fait qu'entrevoir la profondeur du lien entre Géraud et Navarre, ou d'ailleurs entre ce dernier et Herfauges. Par ailleurs, c'est au genre littéraire, proche de la romance, que j'attribuerai le côté "aisément inflammable" d'Agnès, qui ne peut pas voir un type bien fichu sans en tomber amoureuse, ce que j'ai trouvé carrément agaçant. Enfin, on retrouve les caractéristiques habituelles aux espèces les plus connues des lecteurs de bit-lit : les vampires sont de beaux ténébreux hautains et distingués, plutôt recrutés chez les aristos, et les garous sont de gros sensibles, qui réagissent au quart de tour et viennent plutôt des couches, et des quartiers, populaires.

Du coup, mon avis sur le roman est en demi-teinte, entre le point fort d'un univers, et d'une intrigue, originaux, et le point faible, pour moi du moins, de personnages quasiment caricaturaux. Je n'en suis pas moins curieuse de la suite, dont je ne doute pas qu'elle m'orientera vers un avis plus marqué, dans un sens ou dans l'autre.