Depuis la mort de Jacques, trois ans plus tôt, Agnès a sombré dans une dépression boulimique et alcoolisée, dont elle commence à peine à émerger. L'apparition à l'étude du couple improbable formé par un vampire et une kitsune (femme renard) en guise de Roméo et Juliette projetant de convoler en justes noces n'est pas faite pour lui remonter le moral. Ce n'est toutefois pas pour cette raison que Géraud refuse leur demande, mais parce qu'il s'attendait à la suite : l'une après l'autre, les familles outragées débarquent à l'étude, chacune exigeant de récupérer leur rejeton-ne.
La situation se complique encore quand intervient More, la divinité du Destin, qui exige d'être respecté : Roméo et Juliette ont un destin fixé, ils doivent être mariés, et mourir, comme dans la pièce de Shakespeare, Tybalt et Mercutio jouant par ailleurs leurs rôles habituels dans le scénario. La survie même de l'univers étant en jeu, et More lui ayant mandaté une Kère, Atropos, lui faisant miroiter sa propre mort si désirée, Géraud cède et consent à marier les couples improbables qui s'apprêtent à défiler dans son étude. Pendant ce temps, le Mercutio du premier Roméo propose à Agnès de l'emmener là où tout a commencé, c'est-à-dire là où le jeune vampire est tombé fou d'amour de la kitsune.
Dans ce roman, l'auteure étend le monde posé antérieurement en se référant à la mythologie, au théâtre shakespearien comme à la culture populaire (Johnny Halliday !). Il en va de même pour les personnages connus : si Zalia est en retrait, Géraud continue d'intriguer, comme la relation, de plus en plus étrange, entre Herfauges et Agnès, cependant que la position de Fred comme vecteur d'éléments fracassants se confirme. De nouvelles figures apparaissent, dont le séduisant Sylvain, appartenant à des espèces, sinon même à des univers mythologiques, différents, comme les kitsune ou les tenko.
J'ai trouvé plutôt réussi ce mariage entre fantastique et cyberpunk, où l'on voit des créatures surnaturelles évoluer avec plus ou moins d'assurance dans notre monde actuel, matériel ou virtuel. De plus, cela contribue à l'élargissement de l'univers de départ, que j'évoquais plus haut. La relation entre Navarre et Agnès évolue également, et je suis curieuse de voir ce qu'elle deviendra quand le vampire s'apercevra du lien persistant d'Agnès à Herfauges. En revanche, le "recyclage" humoristique de la pièce célébrissime de Shakespeare m'a moyennement convaincue en tant que ressort dramatique, notamment en ce qui concernait les "comparses obligés" du couple d'amoureux, même si je l'ai trouvé drôle.
Au final, un roman bourré de clins d'oeil aux lecteurs, divertissant, et qui fait passer un agréable moment, de quoi entretenir le désir de lire le troisième volet des aventures de notre demi-sorcière et de ses comparses.