Les Chroniques de l'Imaginaire

Humain.e.s, trop humain.e.s (Testament - 3) - Debats, Jeanne-A

Agnès se demande pourquoi, après l'avoir ignorée soigneusement pendant des décennies, la Grande Mère à la tête des convents parisiens a décidé de la convoquer et de l'affecter à un convent, avec une jeune asiatique, Lise, et une noire sculpturale, Adjara. Bien sûr, il n'échappe à aucune des trois jeunes femmes qu'il s'agit du "convent des minorités", étant donné qu'aucune d'entre elles n'est une sorcière "classique". L'inconvénient mineur lié à cette reconnaissance tardive s'appellera peut-être Petronia, puisqu'il s'agit d'une chatte, contrairement au héros du roman d'Heinlein*. Or, évidemment, Agnès est allergique aux chats.

Suite à l'explosion de l'opéra Bastille, dans laquelle ont disparu tous les membres du Cénacle Majeur, à une seule exception près, un coffre mystérieux, sous leur garde depuis des siècles, est confié à l'Etude de Géraud par Najim, le jeune féal commis à sa protection par le Seigneur du Cénacle. En effet, il s'agit de déterminer ce que deviendra le Cénacle décapité, et ce qu'il adviendra de ses féaux et de ses biens. Géraud est donc chargé de rechercher un héritier de son Seigneur. Bien sûr, étant donné qu'on ne peut pas vraiment parler de mort accidentelle pour cet attentat qui visait certainement le Cénacle, ce coffre intéresse beaucoup de monde, et sa garde est donc dangereuse. Comme le montre assez la destruction partielle de l'Etude par un Grand Ancien exigeant de recevoir le fameux coffre.

On retrouve dans ce troisième et dernier roman de la série les clins d’œil aux grands auteurs du passé, et bien sûr le style plein d'humour, toujours aussi plaisant à lire. Les aventures présentes d'Agnès et de son entourage, avec les additions bienvenues d'une chatonne et d'une épée quasi-sentiente, alternent avec les carnets de Navarre, des épisodes de sa vie passée racontée à Dana, portant sur les débuts de sa vie de jeune homme, puis de vampire, au XIVème siècle. Intéressants en soi, ces passages m'ont semblé pendant longtemps n'avoir guère de lien avec l'histoire en cours, quasiment jusqu'au dénouement qui précise le rôle de chacun au fil du temps.

Dans ce troisième tome, le questionnement sur l'identité, non seulement personnelle mais aussi d'espèce, est plus apparent. Le ressort de l'intrigue est l'origine de l'humanité, ses caractéristiques connues depuis des millénaires, et ses possibilités de changement, sinon d'évolution, notamment en ce qui concerne la reconnaissance et l'acceptation de toutes les différences. L'autrice n'y semble guère convaincue de ces dernières, d'ailleurs, du fait que le final est ouvert mais sans grand bouleversement apparent, ce qui donne davantage de crédibilité à l'histoire et aux personnages.

Outre son aspect de divertissement, non négligeable, cette trilogie, et surtout son dernier opus, interroge la fonction des croyances, et des valeurs correspondantes, autour desquelles l'humanité s'est constituée depuis l'aube des temps, et nous interroge sur la place de nos propres croyances et valeurs dans notre vie personnelle.

Que ceux qui n'ont pas envie de se poser des questions ne s'en inquiètent pas, toutefois : les histoires en elles-mêmes sont originales et leur style enlevé peut en faire une lecture facile, sans aucune prise de tête.