Les Chroniques de l'Imaginaire

Jeux de dames - Pinel, Philippe

Les nouvelles, pour la plupart science-fictives (à deux notables exceptions près), regroupées dans ce recueil ont une grande homogénéité de ton, et d'inspiration. Certaines se déroulent dans ce qui semble être le même univers, ou un parallèle proche dudit : Dimanche, Je crois qu'on a frappé, L'homme de compagnie, ... Juste en Chanel, qui voit une évolution de la cyborganique à partir des lois de la robotique d'Asimov. A ce propos, j'ai regretté la place dans le recueil de Dimanche, qui m'a laissée plus qu'un peu perplexe, jusqu'à ce que j'aie l'occasion, bien des textes plus loin, d'en apprendre davantage sur Andreas Freidmann.

Certaines nouvelles explorent les dérives envisageables des sociétés actuelles, la surveillance généralisée à partir de l'hyper-vigilance dans Jeux de dames, l'indifférence croissante aux élections dans Je crois qu'on a frappé et ... Juste en Chanel, le changement climatique dans Altères égales, et, secondairement puisque ce n'est pas le thème principal de la nouvelle, Le jubjoteur, la faillite du système éducatif, et les conséquences de l'exclusion d'une frange de la population du "tout numérique" dans L'AttenTag, voire le clonage et le double dans Le Ramazan Bey original.

D'autres re-visitent des mèmes classiques de la science-fiction : l'uchronie dans A l'ouest du ponant, la rencontre de l'Autre E.T. dans Anathème, Nous venons en paix, Nous serons les plus belles et la très drôle Balnave de skröful..., la théorie des cordes et la distorsion temporelle avec l'amusante C'est les Québécoises les plus dangereuses. L'auteur a lu ses classiques, et joue avec les références, que le lecteur peut s'amuser à repérer. Enfin, l'inclassable Lady Stardust est d'une lecture jouissive pour toute lectrice, à mon avis.

J'ai bien aimé les points de départ, les thèmes, le fond des nouvelles, en général, mais j'ai souvent eu du mal avec leur forme. Il y a d'abord les erreurs d'orthographe et de grammaire, quasi omniprésentes, et qui m'ont piqué les yeux (un seul exemple, sans doute celui qui m'a le plus gênée, dans L'AttenTag, que j'ai bien aimée par ailleurs, la narratrice est parfois désignée au masculin, sans explication : "une adolescente hyperactif et créative").

Plus ennuyeux, je ne suis pas arrivée à croire aux personnages, ni a fortiori à m'y intéresser, même pour les nouvelles que j'ai le plus aimées, que ce soit Jeux de dames ou L'homme de compagnie, où du moins l'aspect "lisse" des personnages pouvait se justifier, Anathème, L'AttenTag, Le jubjoteur, ou ... Juste en Chanel. Enfin, il y a des chutes qui m'ont surprise par leur côté abrupt. Certes, je comprends qu'un auteur recherche sciemment un tel effet, mais j'ai été totalement laissée en route par la fin de Le jubjoteur et Altères égales, notamment.

Ces défauts sont toutefois plutôt bénins, et des textes comme Jeux de dames, Je crois qu'on a frappé, Anathème, L'AttenTag, C'est les Québécoises les plus dangereuses, L'homme de compagnie, ... Juste en Chanel, au moins, pourraient à mon sens intéresser n'importe quel éditeur, soit en recueil, soit incluses dans un périodique ou une anthologie thématique, quitte à être retravaillées avant publication. En somme, pour moi qui suis toujours frileuse au sujet de l'auto-édition, ces textes ont été une lecture globalement plaisante, et je garderai sans doute en mémoire le nom de leur auteur.