Ce qui reste de l'expédition du comte Rana, augmentée de Manesh, le Bâtard de Marmach, est à présent réfugié auprès des Teules. Quand les Hermines retrouvent leur piste, cela met ces derniers en danger, car les affreux Nendous et leurs marionnettes n'hésitent pas à incendier la forêt des Teules, obligeant ceux-ci à fuir avec leurs hôtes. D'ailleurs, devant l'ampleur du danger, Ogh-qui-soupire et les siens n'hésitent pas à recourir aux Sentiers des Astres, entre terre et Outre-Songe, périlleux, mais qui leur permettent d'échapper à leurs poursuivants, tout en traversant sans en souffrir le brasier censé les contenir.
Ils atteignent sans coup férir la grande caverne d'hiver des Teules. Là, les hommes de l'expédition confrontent Shakti, sur les accusations de Dipran qui dit se souvenir d'elle à Andristar, comme sœur d'un voleur, condamné à mort par Rana, dont elle aurait voulu tirer vengeance. Afin de libérer son âme du poids qui l'oppresse, elle reprend le récit de sa vie, entamé dans Shakti, là où elle l'avait interrompu, soit à son arrivée avec Meijo sur les terres de l'Héritage.
J'ai retrouvé avec bonheur dans ce troisième tome les éléments qui m'avaient déjà enchantée dans les deux précédents. Le monde est toujours aussi riche, se déployant avec bonheur dans le temps et dans l'espace, notamment avec l'évocation par la bouche de la Courtisane de l'histoire de l'Héritage avant la Gigantomachie, et avec le voyage en rêve de Fintan pour joindre Maroué. Le style de l'auteur est assorti à ce monde, chatoyant, souvent lyrique, et avec une densité d'invention qui me laisse admirative. J'ai rarement lu fantasy aussi dépaysante, jusque dans le détail des insectes, et des animaux en général, et des plantes, comme dans leurs interactions avec les Humains. Il n'est que de songer à cet égard aux Sorciers-limbram et aux brochets qui sont à leurs ordres, par exemple.
J'ai été aussi sensible à la façon dont le monde du rêve peut à la fois être un autre pays tout ce qu'il y a de réel, où l'on entre avec son propre corps, et un pays imaginaire, où ce que le corps subit ne porte pas préjudice à l'être physique. Je comprends le titre de la série, car ce sont ces sentes de lisière qui caractérisent en effet cet univers foisonnant. Pour les personnages, leur nombre diminue de plus en plus, et surtout dans ce roman, même si je ne serais pas surprise d'en voir certains resurgir au détour du prochain roman, puisqu'ils sont seulement "portés disparus". Ceux qui restent sont à présent bien caractérisés et connus du lecteur, même si celui de Kunti, qui prend de plus en plus d'importance, est plus complexe et pluriel qu'on n'aurait pu le croire a priori.
La seule chose qui m'a gênée, c'est l'apparente incapacité de l'auteur et/ou de l'éditeur à conjuguer convenablement le troisième groupe. C'est très gênant, car bien sûr dans ce roman on "court" et on "meurt" beaucoup, que ce soit à l'imparfait (où la règle veut qu'on ne mette qu'un seul R) ou au conditionnel (où il faut deux R, justement pour le différencier de l'imparfait !). Il y a aussi, çà et là, quelques mots manquants ou redoublés, mais c'est moins dérangeant.
Nonobstant ce bémol qui sans doute n'agacera que les autres lecteurs attentifs à la grammaire française, je ne peux que recommander vivement la lecture de cette série qui reste de haute volée. Pour ma part j'attends la suite avec une grande impatience !