Alors qu'il atteint l'âge de cinquante ans, rien n'est bien simple, en ce moment, pour Yvan. Il a perdu son emploi récemment, sa femme, Florence, travaille à l'autre bout de la planète et ils ne se voient le plus souvent que via Skype, et pour couronner le tout, ses parents viennent de décéder et, avec son frère Nico, ils ont mis l'appartement familial, sur Paris, en vente. Alors, à l'aube d'une nouvelle période de sa vie, Yvan a besoin de faire le point. Et un sacré point...
Et c'est dans le Jura qu'Yvan est maintenant venu passer quelques temps. Dans la maison de Thierry et son épouse, des amis de toujours prêts à l'aider à remonter la pente. Pour le moment, Yvan occupe son esprit comme il le peut, en rangeant ses affaires et celles de ses deux enfants, Aude et Martin, qu'il ne voit d'ailleurs pas très souvent... Aude bosse sur Paris, et Martin fait carrément une sacrée carrière, mais au Canada... Autant dire que les occasions de se voir, en réel, sont franchement rares...
Alors, Yvan passe ses journées à se balader, en marchant dans la neige, et à déblayer l'entrée de la maison. Des activités physiques qui l'emmerdent, alors il se dit qu'il est grand temps d'inviter ses vieux potes. Mais l'hiver est rude, dans le Jura, et ses potes sont tous encore très occupés. Autant être clair : Yvan se fait royalement chier, et il ne pourra pas tenir comme ça éternellement...
Mais les choses vont encore changer : d'abord, l'appartement des parents est vendu. Alors, c'est Yvan qui va devoir aussi gérer les affaires des parents, qui ont été envoyées dans le Jura... Et puis, contre toute attente, Yvan passe une bonne soirée avec des gens qu'il ne connaissait pas jusque-là, notamment Julia, une nana locale qui tient un magasin, et avec qui Yvan s'entend bien au cours de la soirée. Très bien même, puisque ces deux là auront une aventure dans la nuit qui suit...
La cinquantaine... Voilà bien tout l'objet de ce nouveau one-shot écrit à trois, entre Etienne Davodeau, Christophe Hermenier et Joub. Le préambule précise justement que ces trois auteurs se connaissent depuis les années 80. Eux aussi ont eu la vingtaine en pensant qu'un homme est presque au bout de sa vie en fêtant la cinquantaine. Et eux aussi arrivent justement à la cinquantaine. Tout part justement de Christophe Hermenier, dont le personnage d'Yvan est fortement inspiré... Lui aussi a eu à vendre les affaires de ses parents, prenant chaque objet en photo, pour en garder une trace. Un résultat étonnant, qui raconte une histoire à lui seul, et dont on retrouve des fragments dans ce one-shot.
Le livre est donc une ode au temps qui passe, aux emmerdes qui nous attendent, ou qu'on a déjà, en fonction de ce que la vie nous aura réservé. On a tous en tête ce problème : que fera t'on des affaires de nos parents, plus tard, alors qu'on accumule nous-mêmes, parfois, tant de choses ? Un sujet brûlant, qui est traité ici avec beaucoup d'intelligence, et également avec de l'humour. C'est avec plaisir qu'on retrouve les dessins d'Etienne Davodeau, et des dialogues ciselés, des répliques terribles que les personnages s'envoient sans vergogne au visage...
Les auteurs signent là une tranche de vie intelligente, carrément jouissive à parcourir. On s'attache terriblement à ce personnage d'Yvan, et on s'énerve avec lui des emmerdes qui lui tombent sur la tête... Entre parenthèses, rien ne vaudra le passage de la chanson Mes emmerdes, de Charles Aznavour, pour être totalement immergés dans le thème. On tient là un livre parfaitement réussi, dans la droite lignée de productions comme Lulu femme nue, ou encore Chute de vélo. Du grand art, tout simplement !
