L'ancien inspecteur-chef de la section homicides du Québec, Armand Gamache, a bien mérité sa retraite, après une longue et brillante carrière, et de graves blessures en service. Reine-Marie, son épouse, a bien mérité de couler avec lui des jours apaisés et des nuits tranquilles. Ils se sont installés à Three Pines, un petit village du Québec. Ils y ont pris des habitudes paisibles. Entre autres, pour Armand, celle de venir s'asseoir tous les matins sur un banc qui domine Three Pines, et où il se ressource, un livre en main.
C'est là que le rejoint l'une de leurs voisines et amies, Clara Morrow, chaque matin depuis plusieurs jours, tant et si bien que ses vieux réflexes d'enquêteur prennent le dessus, et qu'il lui demande ce qu'elle lui veut. Ainsi apprend-il que le mari de Clara, Peter Morrow, un peintre assez connu dans sa jeunesse, mais dont la notoriété a été éclipsée par celle de sa femme depuis plusieurs années, n'est pas revenu. En effet, si on sait communément à Three Pines que le couple est séparé, et que Peter était parti, on ignore que son retour était prévu à la date anniversaire de son départ. Il n'est pas dans ses habitudes de ne pas tenir ses promesses, et Clara s'inquiète. Elle ne sait pas si leur mariage a un avenir, mais elle veut savoir la raison de l'absence prolongée de son mari.
Par l'intermédiaire de son gendre et ancien adjoint, Jean-Guy Beauvoir, Gamache retrace le périple de Peter depuis son départ de Three Pines. Ils apprennent ainsi qu'il est rentré au Canada, après un inexplicable détour par un coin perdu d'Ecosse, depuis plusieurs mois, et qu'il semble avoir disparu depuis.
C'est la première fois que je lis un roman de cette auteure, et il y a quelque chose de paradoxal à commencer alors que le héros de la série a pris sa retraite, mais cela ne m'a pas vraiment gênée, même si j'imagine qu'un fidèle de la série lira ce roman d'une autre façon que je ne l'ai fait. Quoi qu'il en soit, le thème m'a intéressée, avec cette interrogation sur la source de l'art, et sur ce qu'il est supposé susciter chez le spectateur, sur le talent, sur les conséquences sur l'artiste du succès de ses confrères/consœurs...
L'enquête m'a paru surtout un prétexte à une étonnante galerie de personnages, tous plus individualisés les uns que les autres, avec une mention spéciale pour l'extraordinaire Ruth, ou ces comparses étonnants que sont Henri et Rose, et à une merveilleuse promenade dans la province du Québec, sur les berges et sur les eaux du fleuve Saint-Laurent. Non que l'intrigue policière soit inexistante, mais la peinture de son cadre et de ses acteurs m'a paru avoir davantage d'importance que ses tenants et aboutissants.
Le déroulement de l'histoire est tranquille, et l'action est peu présente, mais on ne s'ennuie pas un instant dans ce beau roman à l'atmosphère élégiaque, où la vie moderne est comme tenue en respect, ou au moins à distance, à l'image de cette connexion souffreteuse à Internet qui est tout ce qui est disponible à Three Pines. En ce qui me concerne, je prévois de lire d'autres enquêtes de cette série, car c'est une écriture qui me convient, fort bien traduite de surcroît.