Les Chroniques de l'Imaginaire

Le chant mortel du soleil - Ferric, Franck

Tous les ans, les géants venus de la Montagne envahissent les Plaines. Ceux qui refusent de payer tribut subissent de plein fouet l'avalanche des guerriers barbares, qui pillent et tuent sans vergogne. Cette année pourtant, Araatan - le tyran qui dirige les tribus guerrières après les avoir unies - est décidé à aller plus loin, jusqu'à la Toute Fin.
Les ancêtres des montagnards ont un jour décidé de se libérer du joug des dieux et ont impitoyablement éliminé leurs propres divinités avant de s'en prendre à celles de leurs voisins. La disparition de tous les dieux est leur but ultime. C'est pourquoi le Grand Qsar dirige maintenant l'avalanche vers les murailles d'Ishroun, où subsiste un dernier culte mourant, celui de la Première Flamme.

Kosum ne s'intéresse guère à tout cela. Esclave depuis toujours, elle a provoqué le courroux de son maître en blessant accidentellement le fils de celui-ci. Condamnée à un sort peu enviable, elle en est sauvée in extremis par un petit groupe de cavaliers-flèches du Grand Qsar. Pour prix de sa liberté, elle rejoint son armée. Ses compagnons et elle-même vont se voir attribuer une mission sans grand espoir de succès : chevaucher dans les déserts d'Orient jusqu'au bord du monde, et revenir relater à quoi ressemble le berceau du premier dieu des Montagnes. La quête du Tout Début, pour faire écho à la Toute Fin à venir.

Que voilà un univers brutal et fruste ! Même si la civilisation sédentaire des Plaines, opposée aux barbares nomades des Montagnes, semble avoir fourni quelques joyaux architecturaux, ce monde semble uniformément violent et sanglant, grossier et sale. Le vocabulaire volontairement familier employé par l'auteur exacerbe cette sensation, puisque par exemple les personnages sont toujours affublés d'un groin ou d'un museau, mais jamais d'un simple visage. C'est une plongée dans un décor bestial qui écœurera les plus sensibles.

Puisque je parle de vocabulaire, je vais dire tout de suite que le langage employé est ce qui m'a le plus gênée dans cette lecture. C'est travaillé, cela est évident, puisqu'il n'est guère de phrase sans une tournure soutenue ou un mot issu de l'ancien français. Pourtant, on se lasse très vite de ces circonlocutions inutilement chargées, de ces mots qu'il faut chercher dans le dictionnaire pour décider s'ils existent vraiment ou ont été inventés par l'auteur pour donner de la force à son univers. Et que dire de ces autres mots, certes immédiatement compréhensibles par leur proximité avec des mots existants, mais pourtant absents du dictionnaire : une chevauche au lieu d'une chevauchée, une canasse pour un canasson femelle, etc. ? Bref, j'ai trouvé ça très lourd à lire et je n'ai réussi à venir à bout de ma lecture que par petites doses.

C'est dommage parce que ce roman avait de quoi me plaire. Le décor, qui évoque la Mongolie, est évocateur et magnifique, avec une touche de fantastique bien intégrée. Le rythme est lent, mais l'action ne manque pas, l'hémoglobine coule à flots. Les personnages sont imposants, avec du caractère. On ne s'ennuie pas vraiment, donc.

Le récit est prétexte à une réflexion philosophique sur les religions : à quoi servent les dieux ? Que se passera-t'il après si les hommes les font tous disparaître ? Est-ce seulement possible, ou la religion n'est-elle qu'un éternel recommencement ?
Certains des protagonistes militent pour éradiquer les dieux et leurs prêtres, qui affirment-ils rendent les hommes mauvais ; d'autres participent à l'avalanche sans pourtant renier leurs propres croyances ; dans le lointain, d'autres encore ne vivent qu'en attendant l'essor de nouveaux maîtres célestes... Avec ou sans dieu, les hommes restent des hommes, avec tous leurs travers monstrueux tels le racisme ou la loi du plus fort.

C'est un livre qui prête à réfléchir, mais auquel je n'ai malheureusement pas adhéré, peinant à entrer dans cet univers rebutant et à apprécier cette plume particulière.