Les Chroniques de l'Imaginaire

Par le pouvoir des dessins animés - Brants, Elsa

Tous les Français élevés dans les années 80 se souviennent de la formule magique "Par le pouvoir du Crâne ancestral, je détiens la Force toute puissante !", qui permettait au Prince Adam de se transformer en Musclor dans la série animée Les Maîtres de l'univers. Pour cette génération, le Club Dorothée était un incontournable des après-midi télé, LE sujet de conversation dans les cours d'école.
Elsa Brants, née en 1975 à Montpellier, était une enfant de ces années-là. Comme ses petits camarades, elle a vécu cet engouement pour les séries d'animation intensément. Mais contrairement à d'autres, cette passion de jeunesse ne l'a jamais quittée et elle a fini par réaliser son rêve en devenant autrice de mangas.

Dans ce one-shot autobiographique, la mangaka française nous livre des anecdotes personnelles qui nous permettent de comprendre pourquoi les mangas se sont répandus en France et de découvrir ce qui se cache derrière.

Dans le début de l'ouvrage, l'autrice retrace son enfance, quand sont apparus les séries d'animation japonaises à la télévision française. Elle nous explique que les dessins animés étaient alors perçus comme réservés aux jeunes enfants, et que l'arrivée de séries japonaises nettement plus matures et intéressantes (car destinées à des publics variés) a été une révolution. Les mangas papier n'existaient pas encore en version française, et les accrocs étaient contraints d'apprendre le japonais pour pouvoir les déchiffrer ! Quant à Elsa, elle devait ruser pour contourner les interdits parentaux et savourer les précieux dessins animés... Ces séries attrayantes ne se contentaient pas d'abrutir les enfants devant les écrans, mais pouvaient également les inciter à s'ouvrir à diverses disciplines mises en avant dans lesdites séries (beaucoup de sports, mais aussi du théâtre, des jeux ou autres).
Elsa Brants aborde ensuite son parcours professionnel (la signature d'un premier contrat, la difficulté à en vivre...) et son quotidien d'autrice (les plannings de folie, les festivals...). Elle nous livre ainsi de manière très ludique nombre d'informations sur les coulisses du monde de l'édition, ainsi que les spécificités des mangas par rapport aux BD franco-belges. Très intéressant pour ceux qui envisagent de se lancer, mais aussi pour les simples curieux.
Le tout est très personnel et l'autrice y insère des tranches de vie plus ou moins éloignées du sujet, qui permettent de mieux la connaitre (elle est passionnée de jeux vidéos, par exemple).

L'album est enrobé d'une bonne humeur omniprésente. Elsa Brants n'hésite pas à faire usage d'humour exagéré (après tout, on est dans un manga) et d'autodérision, ce qui permet souvent de dédramatiser des situations difficiles (comme les revenus limités de son foyer d'enfance ou les galères des séances de dédicace mal préparées).
Dans le début de l'ouvrage, le récit est à peu près linéaire mais cela tourne vite à un sujet par planche. C'est très riche mais un peu fouillis. Cela ne suit pas d'ordre chronologique et manque parfois de liant à mon goût. Du coup, cela n'est pas forcément à lire d'une traite, mais plutôt par petites doses par ci par là.

Les dessins, très expressifs et dynamiques, sont parfaitement adaptés au récit. A noter que l'ouvrage bénéficie d'une belle édition grand format, pour mieux en apprécier les subtilités.

Bien sûr, les amateurs de mangas et de séries d'animation japonaises se régaleront à dénicher les multiples références. Pour ma part, j'avais conscience lors de ma lecture d'en rater beaucoup... beaucoup... alors même que j'appartiens à la même génération qu'Elsa Brants. Impossible pour moi d'identifier certains personnages évoqués, ce qui est un peu frustrant. Quand je pense que certains de mes plus jeunes collègues ne connaissent pas Les Maîtres de l'Univers (on en parlait par hasard la semaine dernière !), je me dis qu'ils risquent d'être un peu désappointés par moments. Je trouve également dommage que le titre du manga, certes très accrocheur, fasse référence à une série américaine plutôt que japonaise. Il n'en reste pas moins que pour la génération Club Dorothée, les lecteurs vont se reconnaître dans nombre de situations et la nostalgie va marcher à fond !