La vie n'est pas vraiment celle que l'on connaît, dans ce monde qu'est Singularity... Ici, seuls des humanoïdes vivent, et ils sont tous, sans exception, reliés et sauvegardés récemment au niveau du Datacenter, un lieu de stockage central, entre les mains des sénateurs. Ces derniers ont le souci de diminuer le nombre d'humanoïdes, en proposant ainsi à ces derniers d'avoir deux consciences dans un seul corps, un seul hôte finalement. Ainsi, un hôte pourra porter la conscience de Amil Harding durant une journée, puis ce sera celle de Lucius Amont le lendemain. Et ainsi de suite...
L'ennui, c'est que ces Bodyhosts, comme on les appelle, ne sont pas très fiables. Il est arrivé que l'un d'entre eux se détériore littéralement, provoquant la suppression pure et simple des deux consciences impactées, au niveau du Datacenter... Alors, la révolte gronde, au grand désarroi des sénateurs, qui ont investi une fortune dans ces nouveaux Bodyhosts, et qui ne veulent rien entendre, notamment au niveau des supplications du professeur Ray Zimov... Ce dernier ne trouve aucune oreille, et ne peut que se consoler en se confiant à la comtesse Aliena...
Car Aliena sait tout de ce que Ray Zimov a en tête. Notamment, ce projet de développer de la chair, qu'elle est maintenant toute impatiente d'essayer... La fabrication de la chair est un secret, mais ce dernier a été volé, et la production de chair prend de plus en plus d'ampleur, sortant totalement du contrôle des sénateurs et du Datacenter. Aliena est une des premières à l'essayer, et à l'adopter, forcément, devant les sensations qu'elle procure. L'invention de Ray Zimov, qui était censée régler le problème des Bodyhosts, est devenue incontrôlable. Et ce qui est incontrôlable par les sénateurs et le Datacenter doit être purement et simplement détruit...
Pour Aliena, la solution est de créer un être qui soit entièrement de chair, et par là même totalement déconnecté du Datacenter. Histoire de frapper celui-ci en son cœur. Et histoire de donner naissance à quelque chose de bien plus grand, à présent...
Ce sont les éditions Casterman qui éditent ce Flesh Empire, un livre qui a tout de Sin City, ou encore des dessins pleins de grands aplats noirs de Franck Miller, notamment dans Batman The Dark Night Returns, qu'on ne présente plus. Ici, c'est Yann Legendre qui officie, dans un livre qui est totalement surprenant, au niveau graphique, tant il rappelle ses pairs précédemment cités.
Ainsi, les pages sont tout simplement incroyables de finesse et de recherche, et on tient là une nouvelle démonstration de ce qu'il est possible de faire avec du papier, du noir et du blanc. Seules des couleurs chair, complètement bien sûr en phase avec le scénario, viennent faire leur apparition de-ci de-là dans les planches. Yann Legendre sort une bande dessinée époustouflante, pour sa première production dans le neuvième art, après avoir publié dans une cinquantaine de journaux différents, de par le monde. L'auteur a aussi travaillé avec Lucasfilm et Disney, et cela se comprend, lorsqu'on voit un tel résultat.
Flesh Empire est maîtrisé de bout en bout : sur le plan graphique, certes, mais également au niveau de la narration. Les personnages sont crédibles, travaillés. L'univers est glauque, froid, et il est complètement cohérent, et ce jusque la dernière planche.
Un récit de science fiction intelligent, à la narration implacable, et aux parfums d'intelligence artificielle dignes de Wargames, 1984 ou encore d'un film comme Le cerveau d'acier. A mettre entre toutes les mains, de toute urgence !