Les Chroniques de l'Imaginaire

Solaris (Solaris - 212)

Ce numéro de la revue québécoise est en effet aussi touffu qu'annoncé dans son éditorial par Jean Pettigrew ! Avant d'entrer dans le vif du sujet, avec les Fictions, je souhaite rendre un hommage particulier à Emilie Léger, qui a créé l'image de couverture, ainsi que la majorité des illustrations intérieures, et dont le style m'a grandement plu.

Manifeste 2113, de Frédéric Parrot, rappelle le principe de la démocratie, et que c'est à chaque citoyen d'un peuple de s'exprimer pour choisir l'avenir collectif. Une nouvelle brève, qui a quelque chose d'une fable, et qui est plaisamment originale, malgré son format.

Le Vieillard, l'enfant et la cuillère pensante, de Denis Roditi : Nathan s'est bien habitué à ses visites dominicales chez grand-père, tant et si bien qu'au cours de celle-ci, il change subitement de comportement, se montrant plus familier et moins gentil. Sans doute est-ce un hasard si ce changement intervient après son acte de vandalisme à l'école. Ou pas ? Même si j'avais vu venir d'assez loin la chute de la nouvelle, j'en ai bien aimé à la fois le thème et l'écriture, si je suis un peu restée sur ma faim quant à l'exploration du thème de l'éthique.

Mémoire vive, de Etienne-Janosik Desforges : On ne saura pas vraiment ce qui s'est passé d'horrible dans cette grotte, pendant la Grande Guerre, mais ce qui est sûr c'est que ni Sebastian ni David ne s'en sont remis. Entre steampunk et horreur, cette nouvelle bien écrite, au basculement vers la noirceur particulièrement bien dosé, donne envie de retenir le nom de son auteur, d'autant plus qu'il s'agit de sa première publication.

Echo perdu, de Geneviève Blouin : Quand l'une des artificières commandées par Danièle découvre une femme étrange dans une zone où il ne devrait y avoir personne de vivant, elle est sur le point d'ordonner son exécution immédiate. Mais cette jeune femme, Marianne, ne ressemble pas vraiment à une espionne et, au bout de quelques jours, paraît prendre plaisir à ses soirées à rire et jouer aux dés avec les soldates. On ne saura pas vraiment ce qui est arrivé à Marianne pour qu'elle soit condamnée à son terrible sort, mais ce n'en fait pas moins une nouvelle habile et intrigante, beaucoup plus SF que mon résumé au ton de fantasy ne le laisserait penser.

Eau et Diamant, de Derek Künsken : Dans l'habitat, on n'est pas obligé de travailler, et de ce fait toute occupation, quelque prenante qu'elle soit, tombe dans la catégorie du loisir, d'une certaine façon, et représente la façon dont chacun s'adapte à ses nouvelles conditions de vie, et vise éventuellement à les modifier pour éviter les écueils passés. Pour Ling Hui, il n'y a pas d'incompatibilité entre son activité de flic du réseau et celle de joueur en ligne de son mari Duyi, mais celui-ci n'est pas vraiment d'accord. J'ai particulièrement aimé cette nouvelle qui non seulement invite à réfléchir sur le sens qu'ont à la fois notre occupation professionnelle et nos loisirs, non seulement pour nous mais pour la société dans son ensemble, mais aussi sur la façon dont se révèlent nos (in)compatibilités personnelles, ainsi que sur la nature de la réalité, au-delà de l'opposition finalement apparente entre virtuel et "réel".

Je trouve toujours passionnants les articles critiques publiés dans Solaris, et ce n'est certes pas Albert Robida : de la satire de la science à la science-fiction, de Julien Chauffour, qui changera ma bonne opinion. En effet, ce texte bien documenté m'a appris beaucoup de choses sur un auteur dont je connaissais à peine le nom, alors qu'il s'agissait d'un quasi-contemporain de Jules Verne. La lecture de cet article m'a éclairée sur de possibles raisons de cet oubli : en effet, on n'apprécie pas forcément, en France, le mélange de genres, et on n'a pas dû savoir où classer ce producteur à la fois de texte et d'images, l'aspect satiriste de son oeuvre sur les deux supports, sans parler de sa position ambivalente par rapport aux "merveilles de la science", loin de la notion du progrès "infiniment bon" d'une grande partie de l'oeuvre de Verne, par exemple.

Dans ses Carnets du Futurible, intitulés A nous l'infini, ou les visages de la philosophie cosmiste, Mario Tessier revient sur le cinquantenaire des premiers pas de l'homme sur la Lune, mais cette fois sous l'angle spirituel, en étudiant l'impact psychologique qu'a eu, surtout, la vision de la planète Terre depuis l'espace sur ceux qui l'ont vue directement, mais aussi sur ceux qui en ont vu les photos rapportées par les cosmonautes et spationautes.

Enfin, si vous ne savez pas quoi lire dans le trimestre qui vous sépare de la prochaine parution de la revue, nul doute que vous pourrez trouver votre bonheur dans la sélection présentée par les Littéranautes et autres critiques.