Nous sommes entre l'Alsace et les Vosges, à quelques encablures de l'abbaye d'Andlau, celle-là même qui a été construite à un endroit où une ourse a gratté la terre, en compagnie de son ourson. Comme dans de nombreux villages, notamment au XVIIIème siècle, de nombreuses familles sont pauvres. Pourtant, il en est une qui est riche, ce sont les Sutter. Et les Sutter ont un fils, qui est prénommé Matthis.
Outre la richesse de sa famille, Matthis Sutter attire à lui la jalousie et les complots, car il est plutôt beau garçon, et il attire à lui, tout naturellement, Eva et Maria, deux sœurs jumelles, très jolies elles aussi, mais qui sont plutôt mal vues des autres habitants du village, sans doute la faute à leur manque d'entrain à se rendre à la messe dominicale... Le père Sutter, qui est un personnage influent, interdit d'ailleurs lui aussi à son fils de voir les deux jumelles en question...
Mais lorsque Matthis a dix-huit ans, les interdits de son père sont bien loin, surtout lorsqu'une des deux sœurs vient le retrouver, un soir, pour s'offrir à lui... De cette union, Eva tombera enceinte... Et comme dans les petits villages, à cette époque, il est important de régulariser ce genre de situation, des noces sont bientôt célébrées. Et si Eva est heureuse, même si son ventre ne s'arrondit nullement, elle est désemparée lorsque Maria disparaît, un jour où elle recherchait un grand ours mâle, le dernier sans doute à parcourir ces montagnes...
Mais alors qu'Eva ne parvient pas à accoucher, elle est bien loin de s'imaginer que c'est bel et bien le cas pour Maria, qui a un fils prénommé Adalric. Ce dernier vit donc en pleine nature, avec sa mère, et le gros ours qui leur tient compagnie... Matthis, de son côté, est bien loin d'imaginer la vérité. Ce n'est pas avec Eva qu'il a eu une aventure, mais bel et bien avec Maria. Et Adalric, qui aura grandi, ne va pas tarder à attirer les regards à lui, notamment dans les marchés environnant, où il assurera le spectacle avec sa mère et son père d'ours...
Il faudra encore tout le talent narratif et toute la force graphique de Jean-Claude Servais pour nous raconter ce conte, qui respire encore la richesse de ce qui se passe dans nos régions françaises. Jean-Claude Servais est un véritable amoureux de la nature, on le savait bien, et ce n'est pas ce nouveau conte qui paraît dans la collection Aire Libre de Dupuis qui nous fera dire le contraire...
Encore une fois, c'est magnifique, avec des couleurs de Raives qui sont au service du graphisme et de la narration. Les cadrages sont parfaitement trouvés, et les décors en pleine nature sont encore une fois une vraie source d'évasion dont Servais a le secret. Un conte local qui est à mettre entre toutes les mains, tant le talent de ce dessinateur est grand. Vivement le prochain !
