Cette année, c'est au tour du capitaine des ombres Kevoram et de son apprenti, Eragan, de prendre leur tour de garde, d'étude et de méditation au monastère des Drahanan. Ce mystérieux édifice se cache au sommet d'une montagne et est inaccessible par les moyens communs. C'est, à la fois, un centre d'archives, un bâtiment religieux et une université de haut niveau pour la magie runique. Un endroit que tous les apprentis veulent fréquenter malgré la rudesse de la vie qu'ils vont devoir y mener durant une année.
Pour Eragan, c'est un peu la dernière chance. Son maître est à bout de patience. L'apprenti a du potentiel mais aucune discipline, une volonté fragile et chacun de ses tours de magie met en danger son entourage. Ses compagnons ont pu y goûter lors du voyage en bateau...
Toutefois, Eragan reste l'élève d'un capitaine de l'ordre des ombres, les gendarmes de la sorcellerie sur les Terres d'Arran. Il est aux premières loges, avec son maître, lorsqu'ils découvrent un clerc du monastère badigeonner de son sang les murs d'une cellule.
Après l'excellent lancement des Mages par Istin et Duarte, Jarry et Créty reprennent le flambeau autour d'une autre sorte de magie présente sur les Terres d'Arran, la magie des runes.
Ce qui démarre comme une banale histoire d'apprentissage se transforme vite en une enquête sur la folie dans un lieu clos et habité par de rares personnes. Jarry, à son habitude, présente les personnages comme il faut. Il est direct, clair et travaille très bien ses introductions. Le lecteur est immédiatement propulsé dans le récit sans qu'il ait aucun effort à faire. On suit les protagonistes avec plaisir même sans s'y attacher particulièrement (Eragan aurait eu besoin de quelques claques supplémentaires à mon goût), ce qui est belle qualité pour le scénariste.
De plus, Jarry joue correctement avec le niveau de tension tout au long de l'aventure, en la saupoudrant d'un petit air de Lovecraft et d'une pointe de Nom de la rose d'Eco.
Au niveau graphique, Eragan est d'une belle qualité comme toujours dans cette vaste série. Les décors et les environnements de Créty sont, en particulier, réussis. Cette prouesse du dessinateur joue énormément dans le développement de l'atmosphère au fil des pages de la bande dessinée. Les cases sont sombres mais grouillent de détails. Les choix de prise de vue à l'intérieur et à l'extérieur du monastère nous placent dans le froid, la solitude et l'obscurité, c'est-à-dire, à l'égal des acteurs. Le travail de Créty est de haute volée. Il n'y a que les contrastes forts des contours des personnages qui m'ont agacé sur les premières planches, avant que je m'y habitue.
Le seul vrai reproche que je puisse faire à cet album est que son histoire aurait mérité d'être plus touffue et étalée sur un double tome pour ne pas donner cette impression désagréable de précipitation dans la résolution de l'intrigue.
Bref, je me répète à nouveau, ce nouvel album sorti des Terres d'Arran est un beau livre et une chouette histoire de fantasy.