Ce troisième recueil de romans des Ombres de la nuit comprend les tomes 7, 8 et 9 de la série. L’ensemble est bourré d’action, de créatures surnaturelles et de scènes érotiques.
Au niveau de l’édition, c’est une très bonne idée de publier une intégrale de ces trois tomes ensemble, l’action du 7 préfigurant en quelque sorte celle des deux autres. J’ai également beaucoup apprécié la couverture retenue, à la fois sombre et énigmatique. En bémol, j’ai repéré de légers problèmes de cohérence d’un tome à l’autre. La Valkyrie connue comme Regina dans certains volumes de la série, comme le 7, devient Regin dans les tomes 8 et 9. Par souci de cohérence, je parlerai de Regina tout au long de cette chronique. Par ailleurs, Garreth est également décrit comme étant un être ailé dans le tome 8… alors qu’on sait très bien que c’était un loup-garou lambda étant donné qu’il est le héros du tome 7 !
Mais passons en revue ces fameux volumes…
Le plaisir d’un prince
Plusieurs siècles auparavant, Lucia a cédé aux avances d’un terrible démon, Cruach, et n’est parvenue à s’échapper qu’au prix de blessures mortelles. Grâce à l’intervention de sa sœur cadette, la Valkyrie est parvenue à conclure un marché avec une déesse non moins terrible, Skathi, que le démon qu’elle avait laissé derrière elle : en échange de sa vie et d’une parfaite maîtrise du tir à l’arc, elle devra tuer Cruach, qui s’avère être la nemesis de la déesse. Chaque tir manqué lui inflige dorénavant une douleur atroce. Elle doit aussi vivre selon les préceptes de la déesse : honnêteté, humilité et chasteté.
Pendant de nombreuses années, Lucia s’est accommodée de cet arrangement mais tout change lorsqu’elle croise la route de Garreth. Lucia est en effet l’âme sœur du loup-garou et ces derniers ne plaisantent pas avec cette notion : le séduisant lycanthrope fera tout pour la séduire, malgré les risques. Ce n’est en effet vraiment pas le moment pour Lucia dont les cauchemars de plus en plus fréquents signalent qu’il est temps d’en découdre avec Cruach.
Les événements du Plaisir d’un prince se déroulent simultanément à ceux du tome Morsure secrète, qui met en scène le frère de Garreth et la fille adoptive du clan de Valkyries. S’il n’est pas nécessaire d’avoir lu cet opus, le lecteur fidèle de la série prendra plaisir à découvrir une autre version des faits et à saisir les allusions à cette autre histoire. Malheureusement, celui qui commencera par le Plaisir d’un prince aura l’impression, à juste titre, de passer à côté d’une autre histoire. Il est aussi fait référence, de manière plus marginale, aux intrigues de Charmes et la Valkyrie sans cœur. Je ressors mitigée de la lecture de ce tome.
D’un côté, j’ai raffolé du côté roman d’aventures. Reliques, temples secrets perdus en pleine jungle, affrontements entre démons, Valkyries, loups-garous et vampires, sans oublier les anacondas géants et les momies… Si ce roman était adapté à l’écran, ce serait probablement un mélange entre un Indiana Jones et Buffy contre les vampires. Les personnages secondaires sont intrigants. Les aventures et les scènes d’action s’enchaînent à un rythme trépidant et c’est assez jubilatoire. La fin est d’ailleurs très bien trouvée et donne envie de se plonger immédiatement dans le tome suivant…ce qui est parfait lorsqu’on a une intégrale entre les mains !
D’un autre côté, la romance est assez horripilante. On retrouve le caractère très perturbant d’autres ouvrages de la série : le personnage féminin refuse ouvertement l’idylle et les relations sexuelles bestiales qui vont avec mais le personnage masculin est persuadé qu’elle en a envie et qu’en lui forçant la main psychologiquement et physiquement, il viendra à bout de ses réticences. Résultat, les héroïnes qui ont tout de la femme forte se font poursuivre par des archétypes de la masculinité toxique. Je trouve cela fort peu romantique, et heureusement que la narration nous dévoile les pensées des héroïnes et nous montre qu’effectivement, elles en ont envie, sinon ce serait quasiment un éloge au harcèlement sexuel. Les scènes érotiques en elles-mêmes sont assez vulgaires, c’est un style dirons-nous. Ce tome comprend donc à la fois ce que la série fait de meilleur et de pire. C'est celui de l'intégrale que j'ai le plus apprécié : son côté roman d'aventures a fait pencher la balance en sa faveur.
Le démon des ténèbres
Carrow, une sorcière un tantinet rebelle, est emprisonnée par une organisation humaine destinée à étudier les êtres surnaturels et à les anéantir. Sous la menace d’un de ses maîtres, Declan, elle est contrainte de se mettre en quête d’un venom, créature mi-démone mi-vampire, nommé Malkom. Pour cela, elle devra se rendre sur les terres de l’Oubli, une autre dimension. L’enjeu est de taille puisque sa cousine, une petite orpheline de sept ans nommée Ruby, sera exécutée si elle échoue.
Après une enfance passée comme esclave des vampires et une adolescence à survivre dans les bas-fonds d’Oubli, Malkom pensait avoir enfin trouvé une forme de stabilité en tant que bras droit de la résistance des démons contre les vampires. Aux côtés de son meilleur ami, le prince consort Kallen, il lui semblait en effet possible d’oublier les sévices. Tout s’est malheureusement écroulé le jour où le vice-roi des vampires les a transformés en venom et obligés à s'entre-tuer. Depuis, Malkom survit seul dans les confins d’Oubli en ruminant le passé et son désir de vengeance. Ses plans sont une nouvelle fois chamboulés par l’apparition près de lui d’une belle sorcière brune, qui s’avère être l’âme sœur qu’il n’attendait plus.
Ce tome comprend également beaucoup d’action et ce dès le début : prison pseudo-militaire, dimension démoniaque, île isolée et infestée de créatures surnaturelles… Les héros passent de Charybde en Scylla. Les scènes de combat sont très bien écrites et impressionnantes. Si cela laisse peu de place pour développer la psychologie des personnages, on assiste néanmoins à certaines évolutions : Carrow doit quitter son état d’éternelle adolescente et prendre ses responsabilités vis-à-vis de Ruby tandis que Malkom doit lutter contre sa peur de la trahison et se défaire de ses traumatismes passés pour pouvoir aspirer au bonheur. Ces évolutions me semblent s’opérer un peu rapidement chez les personnages mais elles ont au moins le mérite d’exister.
Malheureusement, les scènes érotiques sont bien plus nombreuses que dans le tome précédent – ou le paraissent du moins. Cela vient casser un peu le rythme car, là où les scènes de combat sont expédiées avec concision et efficacité, ces scènes de sexe s’étirent en longueur, se répètent et sont en outre écrites de manière assez vulgaire. Pour cette raison, j’ai bien moins apprécié ce volume malgré une intrigue générale prometteuse.
La prophétie du guerrier
Regina la Radieuse est une Valkyrie appréciée pour sa joie de vivre, son humour, sa sociabilité. Cette personnalité n’est cependant qu’une façade. À son départ du Walhalla pour secourir sa sœur Lucia, Regina a rencontré Aidan, un Berserk ayant juré allégeance au père des Valkyries, Wotan. Ce mortel a juré de remporter les deux cents batailles devant lui permettre d’accéder à l’immortalité et de faire de Regina sa femme. Pour la convaincre, il lui jure de rester chaste si elle-même s’abstient d’entretenir des relations avec un autre homme pour l’attendre. Regina accepte et se laisse peu à peu séduire par le guerrier. Malheureusement, ce dernier est assassiné avant d’avoir pu devenir immortel et après leur unique nuit passée ensemble. Depuis, Aidan se réincarne fréquemment et se fait toujours aussi fréquemment tuer chaque fois qu’il retrouve sa belle.
Cette fois, Regina s’est promis de sauver la réincarnation d’Aidan en l’évitant. Enlevée dans les rues de la Nouvelle-Orléans, quelle n’est pas sa surprise lorsqu’elle découvre l’identité de son tortionnaire, Declan, qui n’est autre que la nouvelle réincarnation d’Aidan.
Traumatisé par la mort de sa famille aux griffes de créatures de cauchemar, Declan s’est juré de faire souffrir et de détruire toutes les créatures surnaturelles. Lui qui se drogue depuis son plus jeune âge pour combler un mal-être profond qu’il ne parvient pas à exprimer sent sa raison vaciller quand il enlève Regina. Il se sent malencontreusement attiré par elle tout en refusant de croire qu’il serait lui-même autre chose qu’humain.
Les événements de ce tome se déroulent de manière concomitante à ceux du tome 8, centré sur Carlow. On retrouve donc le complexe de l’organisation, l’île et certaines des péripéties qui y sont évoquées mais avec l’angle de vue de Regina et Declan.
Jusqu’à présent, Regina était l’un de mes personnages préférés de la série – même si elle était loin d’égaler Nix, la Valkyrie folle. Drôle, brute de décoffrage, j’avais plaisir à la voir figurer comme personnage secondaire dans les histoires des autres. L’histoire de Lucia, dans le tome 7 contenu dans cette intégrale, nous donne un aperçu de son caractère un peu loufoque. Je me faisais donc une joie de découvrir son histoire d’amour maudit mais je dois avouer être un peu restée sur ma faim.
Du côté des points forts : le personnage est toujours appréciable, bien qu’un peu plus torturé. L’auteure introduit de nouveaux personnages secondaires dont on a hâte de suivre les aventures. Je pense notamment au jeune Thad, adolescent qui ignorait tout de son état de créature surnaturelle avant de se retrouver incarcéré. L’histoire de réincarnation maudite est intrigante. On se demande comment les protagonistes vont se sortir de cette boucle sans fin et la réponse qui y est apportée est intéressante. Les scènes d’action sont également bien menées. Même en ayant lu les tomes 7 et 8 à la suite, je n’ai pas du tout eu l’impression de relire la même chose et j’ai au contraire pris beaucoup de plaisir à en apprendre plus sur certains événements marquants. Certaines situations sont en outre remplies d’humour.
Du côté des points faibles : le personnage de Declan. Je n’ai vraiment pas accroché à sa personnalité. Declan a eu une jeunesse difficile, souffre d’addiction et est maudit, certes ! Declan est aussi et surtout quelqu’un qui prend plaisir à torturer ses prisonniers, à les humilier et à les briser. Il les considère comme inférieurs à des animaux, selon ses propres termes. Et puis, je pense ne rien spoiler ici en le disant, il se rend compte qu’il a fait erreur. Même s’il reste sanguinaire, il ne veut plus à présent tuer que les méchantes créatures surnaturelles. Personnellement, cela m’a posé un problème. Je n’ai pas du tout pu adhérer à sa rédemption. Si Regina avait été un personnage un peu plus ambivalent, j’aurais pu concevoir qu’ils se mettent véritablement en couple mais son personnage est plutôt positif. Qu’elle pardonne ces atrocités ne cadre pas avec son personnage. Bref, pour moi Declan était passé trop loin dans le côté obscur pour en revenir.
