Les Chroniques de l'Imaginaire

Nicolas Eymerich, inquisiteur (Nicolas Eymerich - 1) - Evangelisti, Valerio

Nous sommes en 1352 à Saragosse et le grand inquisiteur du royaume d'Aragon vient de succomber à la peste. Sur son lit de mort, il a désigné pour lui succéder le père Nicolas Eymerich de Gérone. Ce dernier hérite d'une situation difficile : il va non seulement lui falloir tenir tête au roi Pierre IV le Cérémonieux en se plongeant dans les luttes de pouvoir qui l'opposent aux grands du royaume, mais aussi dénouer l'écheveau d'un complot sataniste d'une ampleur inimaginable. Mais quel est le lien entre tout cela et le dernier voyage du Malpertuis, astronef psytronique en route vers la planète Olympe en l'an 2194 ? La réponse se trouve peut-être dans les pages de Rapide comme la pensée, le livre de Marcus Frullifer, un jeune physicien aux idées peu orthodoxes sur la nature de l'espace-temps.

Au cœur de Nicolas Eymerich, inquisiteur se trouve une personne réelle, comme son titre l'indique. Nicolas Eymerich est un prêtre dominicain catalan qui est effectivement devenu grand inquisiteur du royaume d'Aragon au quatorzième siècle. Il est aussi l'auteur d'un manuel de procédure qui a fait référence pendant plusieurs siècles dans l'Église catholique. Il va de soi que Valerio Evangelisti laisse libre cours à son imagination pour donner chair à son personnage et le plonger dans des situations fantastiques, sans pour autant laisser complètement de côté le contexte politique et religieux de l'Europe de la fin du Moyen Âge. Comme c'est le cas pour la plupart des grands personnages de l'Histoire, le caractère du véritable inquisiteur nous est largement inconnu, mais Evangelisti lui invente une personnalité forte et fascinante. Irascible et hautain, profondément misanthrope et terrifié par la saleté et la vermine, son Eymerich est pénétré jusqu'à la moelle de la justesse de sa cause, fanatiquement dévoué à son Église et prêt à tout pour voir triompher l'ordre, y compris à des actes répugnants aux yeux d'un lecteur moderne. Pour peu que l'on ne soit pas rebuté à l'idée de suivre un personnage aussi antipathique, c'est clairement le point fort du livre.

L'enquête d'Eymerich le conduit des palais de Saragosse aux plateaux arides de l'Aragon, où il croise toutes sortes d'adversaires bien décidés à causer sa perte et quelques rares alliés. Si les paysages sont bien décrits, les personnages secondaires manquent peut-être d'un peu de chair comparés à l'inquisiteur. C'est particulièrement le cas dans les sections du livre qui se déroulent à une autre époque que la sienne. En effet, Nicolas Eymerich, inquisiteur est divisé entre trois fils narratifs distincts, mais qui s'alimentent les uns les autres jusqu'à la résolution finale, et l'histoire d'Eymerich n'en constitue qu'un seul. Un deuxième, relevant de la science-fiction pure, se déroule dans le futur, et un troisième prend place à peu près à notre époque, la fin du vingtième siècle. Cette dernière est sans doute la plus faible. Elle est presque entièrement constituée d'extraits du livre de Frullifer, assez abscons et généreusement assaisonnés d'un jargon scientifique à peu près incompréhensible, ce qui incite à les survoler sans s'attarder. Les passages prenant place à bord du Malpertuis souffrent quant à eux d'un certain manque de développement, que ce soit les personnages ou les décors.

Néanmoins, l'enquête d'Eymerich est rondement menée, avec suffisamment de rebondissements et retournements de situation pour donner envie de lire Nicolas Eymerich, inquisiteur jusqu'au bout et connaître le fin mot de l'histoire. Ce n'est sans doute pas le meilleur tome de la série, mais il met bien la formule en place.