Al-Ith, reine de la zone Trois, ne peut supporter l'idée de devoir épouser Ben Ata, roi de la zone Quatre. Tout ce qu'elle et son peuple savent de la zone Quatre lui répugne : cette contrée pauvre, principalement habitée par des soldats en permanence sur le pied de guerre, n'a rien qui évoque, de près ou de loin, son propre pays, paisible, cultivé, où l'on écoute les animaux et où hommes et femmes vivent naturellement sur un pied d'égalité. Mais l'ordre vient des Pourvoyeurs, et elle est obligée d'obéir.
Ben Ata, roi de la zone Quatre, n'apprécie vraiment pas de devoir épouser Al-Ith, reine de cette zone de sorcellerie et d'impertinence qu'est la Trois. Et encore la réalité s'avère-t'elle pire que ce qu'il imaginait ! Comment croire que cette petite femme mal fagotée dans une robe de servante puisse être une reine ? Comment se débarrasser de ce cheval qui la suit partout, et qu'elle traite en ami, en égal presque ? Et de surcroît, cette femme semble le mépriser, ce qui est insupportable.
Peu à peu, toutefois, après plusieurs faux départs, ils s'installent en tant que couple, apprennent à se parler, sinon tout à fait à se comprendre. Tous deux se rendent compte peu à peu que de leur accord pourrait venir, d'une façon ou d'une autre, le remède dont chacun de leur pays a besoin, car dans les deux zones la mélancolie et la stérilité augmentent, tant chez les bêtes que chez les hommes. Et un changement aura certes lieu, bien au-delà de ce qu'ils auraient souhaité.
Certes, ce roman peut être lu comme une histoire de fantasy, dont l'originalité résiderait justement dans l'aspect emblématique de chacune des trois zones, voire quatre en comptant la Deux. En tant que tel, il est riche en personnages, notamment féminins, tout à fait crédibles. Pour moi, toutefois, sa richesse réside principalement dans son aspect allégorique, tout à fait réussi.
Au départ, j'ai eu l'impression que les zones Trois et Quatre symbolisaient, de façon on ne peut plus classique, voire schématique, le monde des femmes et celui des hommes, avec leurs incompatibilités et incompréhension habituelles. C'est vrai, mais cela ne s'y borne pas, ou du moins cela n'invalide pas la réflexion politique sur les conséquences d'une société incapable de prendre en compte la valeur des qualités guerrières, et de l'absence de toute visée belliciste, par exemple et respectivement.
Par ailleurs, j'ai trouvé finement traitée la façon dont le changement arrive, à la fois pour les individus et pour les sociétés. On le voit surtout pour ce qui concerne la zone Trois, puisque Al-Ith est clairement le personnage central du roman.
En somme un roman intéressant, original du fait de son exemption des canons du genre, sans doute du fait d'avoir été écrit par une écrivaine hors-genre, précisément.