La situation pourrait être cocasse, pour Mattéo, qui a réquisitionné une vieille demeure bourgeoise, avec les quelques soldats révolutionnaires dont il a la charge. Nous sommes dans une Espagne fortement divisée, à la veille de la Seconde Guerre Mondiale, et si Mattéo trouve un peu de confort dans cette demeure cossue, il a également la charge du propriétaire des lieux. Un vieux monsieur bourru qui ne se déplace plus qu'en fauteuil roulant, et qui est bien contre les idées des révolutionnaires comme Mattéo...
Mais pour l'heure, l'urgence est dans le fait de récupérer Amélie, en l'échangeant contre le curé, qui a été fait prisonnier. Et si Mattéo et ses hommes ne se posent pas de questions pour cet échange, il n'en va pas du tout de même pour Aneschka. La combattante polonaise n'est pas d'accord pour que le curé s'en tire à si bon compte, et elle n'hésite d'ailleurs pas à le tuer en tant que sniper, durant l'échange avec Amélie...
Même si cette dernière s'en est sortie, Mattéo est particulièrement furieux suite à cet état de fait, et n'hésite pas à confisquer le fusil à lunettes à Aneshka, qui aura bientôt l'occasion de s'entraîner à la tourelle, pour dégommer les avions ennemis, de plus en plus fréquents, tandis que Mermoza, blessé, refait son apparition dans le camp de Mattéo...
Cela n'empêche pas Mattéo d'avoir de plus en plus de conversations avec le vieil homme à fauteuil roulant. Ce dernier est rongé par le remords, sans doute lié à son caractère de cochon. Il a perdu toute trace de son fils, il y a des années de cela, et désormais il est en deuil chaque année, plongeant dans les souvenirs et la mélancolie. Le parallèle est vite fait, avec la vie personnelle de Mattéo, et ce fils qu'il ne voit plus non plus, depuis pas mal de temps, alors même qu'il recherche les origines de son propre père...
Alors que le groupe de révolutionnaires essaie de passer quelques mois comme ils le peuvent, les forces ennemies gonflent, aux alentours... Une bataille importante approche, et Mattéo sait que cela sera difficile de survivre. D'autant qu'Aneshka vient justement de prendre un tir ennemi, alors qu'elle était dans sa tourelle. Un tir qui ne devrait pas l'épargner, même si Mattéo a encore l'espoir de la conduire à Barcelone afin qu'elle y soit mieux soignée...
Encore une fois, c'est avec un grand plaisir que l'on parcourt ce cinquième tome de Mattéo, une série qui paraît chez Futuropolis, et que l'on doit exclusivement à Jean-Pierre Gibrat. Sur le plan graphique, aucun doute : c'est du Gibrat, et cela est parfaitement soigné à chaque case. L'auteur soigne encore une fois complètement ses planches, des décors hivernaux ou printaniers, des costumes d'époque aux expressions des personnages, souvent parfaitement justes, crédibles, et adaptées aux différentes situations.
Le tome est aussi l'occasion de trouver des réponses, dans la vie de Mattéo, notamment avec une révélation particulièrement fracassante sur les origines du personnage principal de la série. Jean-Pierre Gibrat nous régale avec ses couleurs, ses expressions, ses dialogues et son amour pour les petites histoires au sein de la grande Histoire d'Espagne.
Vivement la suite, même s'il faut s'attendre à plusieurs années d'attente pour obtenir un tel résultat.