Les Chroniques de l'Imaginaire

Ragnvald et le loup d'or (La saga des Vikings - 1) - Hartsuyker, Linnea

À la fin du neuvième siècle, la Norvège est encore un pays fragmenté où chaque vallée, chaque fjord constitue un petit royaume farouchement indépendant. En attendant de pouvoir hériter du domaine que son beau-père Olaf administre pour lui dans le comté de Sogn, le jeune Ragnvald Eysteinsson a décidé d'aller jouer les Vikings en Irlande, laissant au pays sa mère et sa petite sœur Svanhild. Après avoir joyeusement pillé et guerroyé, Ragnvald rentre en Norvège… mais une trahison inattendue l'envoie au fond des eaux du Tafjord. Échappant de justesse à la noyade, le jeune homme n'a désormais qu'une idée en tête. Sa soif de vengeance le conduira à s'associer à Harald, un jeune prince du Vestfold dont l'obsession est toute différente : lui compte bien devenir le premier roi d'une Norvège unifiée. Pendant ce temps, Svanhild, qui refuse de croire à la mort de son frère, s'enfuit pour tenter de le retrouver, mais son chemin sera semé d'embûches.

Linnea Hartsuyker explique que l'envie d'écrire ce roman lui est venue en découvrant qu'elle comptait parmi ses ancêtres le roi norvégien Harald à la belle chevelure. Ça tombe bien, les Vikings sont un sujet à la mode en ce moment ! Mais Ragnvald et le loup d'or, premier tome de La saga des Vikings, ne se contente pas de souscrire à la dernière tendance, comme en témoigne la bibliographie conséquente qui figure à la fin du livre. L'effort de documentation est perceptible et on se sent vraiment plongé dans la Scandinavie du haut Moyen Âge, avec ces Norrois qui sont certes parfois violents et brutaux, mais aussi rusés, fins négociateurs, passionnés de droit et amoureux des belles choses, qu'il s'agisse d'orfèvrerie ou de chansons. C'est agréable que le cliché du berserker violeur de nonnes avec son éternel casque à cornes n'ait pas cours ici. Le seul bémol serait l'absence d'une carte : on se balade d'un bout à l'autre de la Norvège et jusqu'aux actuels Pays-Bas, de quoi perdre le lecteur qui ne connaît pas son Hordaland de son Hålogaland.

L'intrigue se présente comme une version modernisée et romancée de la Heimskringla, la longue saga des rois de Norvège rédigée au treizième siècle par le poète islandais Snorri Sturluson. Elle suit deux personnages secondaires de ce texte, Ragnvald et sa sœur Svanhild, dont les chemins se croisent et se séparent à plusieurs reprises. Ce sont deux jeunes héros qui commettent les erreurs typiques des jeunes héros, par naïveté ou par idéalisme, mais dont les qualités leur permettent de triompher en fin de compte de l'adversité, quitte à ce que leur caractérisation en pâtisse (Ragnvald est à la fois une tête brûlée et un stratège de génie ; Svanhild la forte tête se résigne bien vite au mariage). Autour d'eux évoluent des personnages plus ou moins fouillés, dont certains ne dépassent jamais l'esquisse qu'ils devaient être dans la saga d'origine, tandis que d'autres semblent presque anachroniques dans leur mentalité (avec son rêve bismarckien d'État-nation, Harald semble un peu en avance sur son temps).

Pour autant, Ragnvald et le loup d'or est un bon roman historique : il retranscrit de manière fidèle et détaillée une époque précise et l'utilise comme décor d'une histoire intéressante. Sans révolutionner le genre, il se lit avec plaisir et donne envie de poursuivre avec le tome 2.