Les Chroniques de l'Imaginaire

Pas de pitié pour les indiens - Dumontheuil, Nicolas

La vie est plutôt tranquille et bien agréable, dans un village du Quercy de quatre cent habitants, dans le Sud-Ouest de la France. Nous sommes en 1976, et à ce moment là les enfants étaient encore à jouer énormément dehors, à imaginer toutes sortes de jeux parfois stupides. Et dans ce domaine, c'est bien Jules qui n'a pas besoin d'être aidé... Le gamin vient de se procurer un énorme pétard, et avec ses deux meilleurs copains, Jean et Titi, ils se mettent en tête de faire éclater de bonnes grosses bouses de vaches, à la fraîcheur suffisamment convaincante...

Mais voilà : en commençant par de petites bêtises, ce sont bien souvent les plus grosses qui vous guettent. Surtout lorsque les trois gamins ont rencontré les frères Ardaillou, les poivrots locaux, qui les ont fait picoler... A huit ans, il ne faut pas grand chose, et les trois garnements libèrent le troupeau de vaches en rentrant au village. Un troupeau qui appartient, justement, aux frères Ardaillou. Et cela sera fatal à l'un d'entre eux, qui se prendra en voiture une de ses vaches, en plein virage, et à pleine vitesse...

Et voilà comment les trois gamins se retrouvent avec une sacrée gueule de bois, après ça. C'est bien simple : ils restent les plus discrets possible, et personne pour le moment n'a fait le lien entre cette clôture ouverte et le fait que les trois copains soient rentrés ivres de chez les Ardaillou. Il faut dire que le frère Ardaillou avait lui-même un sacré coup dans le cornet, en prenant le volant. Mais qu'à cela ne tienne, les trois gamins sont franchement craintifs, et ils sont persuadés que la vérité finira par éclater, via le frère Ardaillou survivant, ou tout autre événement local.

Il faut dire aussi que les choses changent, dans le Quercy, avec tous ces marginaux, comme on les appelle, qui vivent dans des tipis ou autres joyeusetés aux alentours du village. Des marginaux qui ne sont pas sans rappeler les parents de gens, dont le père est l'instit du village, même s'il a une allure plutôt baba cool qui lui a valu un certain nombre de remarques, il y a encore peu...

Et puis, il y a Manitoba, ce lieu tenu secret où les trois compères déposent des offrandes pour faire en sorte que leur secret le reste. Il y a le curé, qui est l'oncle de Titi, qui vit avec la mère de ce dernier, qui n'a plus toute sa tête. Et à l'école, il y a le père de Jean, mais il y a aussi les filles dans la cour de récré, dont la très jolie Djémila...

Je ne vais pas y aller par quatre chemins : c'est encore un immense bonheur de parcourir cette vision franchouillarde de la campagne du Sud-Ouest de Nicolas Dumontheuil. L'auteur de Big Foot, Le Landais volant, La colonne ou encore Malentendus ou Qui a tué l'idiot ? nous régale encore une fois, avec ce one-shot aux planches colorées comme un après-midi d'été !

Pas de pitié pour les indiens joue ainsi avec le lecteur. Avec l'humour corrosif qui s'en dégage à chaque page, certes, avec ces personnages qui sont cuisinés aux petits oignons, avec des dialogues finement ciselés, et avec cette nostalgie qui nous envahit lorsqu'on parle des années 70 et de ce qu'était la campagne française à cette époque.

Le livre, qui paraît chez Futuropolis (comme bon nombre des séries citées plus haut), est ainsi l'occasion d'admirer le travail d'un auteur qui scénarise, qui dessine et qui colorie seul. L'auteur, avec son dessin toujours inimitable et qui dispose d'une vraie signature graphique, nous plonge dans son univers, très travaillé, et nous balade entre humour et nostalgie, en nous mettant littéralement dans la peau de personnages tous complètement crédibles dans leur partition. Un livre excellent, à mette entre un maximum de mains !