Nous sommes en janvier 1910, dans la campagne aux alentours de Charleroi. Une femme tzigane marche dans la neige afin de rejoindre un village où elle doit participer à un spectacle de rue. La jeune femme a du mal : elle est enceinte, presque à terme même, et son fils vient de se décider à arriver maintenant, sans crier gare... C'est comme cela qu'est né un certain Django Reinhardt.
Le jeune Django grandit au gré des voyages de sa troupe de Tziganes. Il vit une vie de liberté, avec son jeune frère surnommé Nin-nin. Ces deux-là ne vont pas beaucoup à l'école, et ce n'est pas franchement ce qui intéresse Django. Lui, il est dans la bagarre pour défendre son clan des foulards rouges, et il est aussi vite émerveillé par la musique, notamment par le banjo et par la guitare. L'ennui, c'est qu'il n'a pas d'argent, et qu'il ne peut faire que du violon tzigane, qui l'ennuie profondément.
Avec son frère, Django tente souvent de rentrer dans les clubs où des concerts sont donnés. Cela leur permet notamment d'observer les musiciens adultes, et d'apprendre leurs différentes techniques. Cela n'empêche pas Django et son frère de se faire régulièrement sortir. Les choses sont bientôt sur le point de changer lorsque Negros, la mère de Django, finit par lui offrir un guitjo, un banjo avec un manche de guitare. Cet instrument ne quittera plus les mains de Django, qui fait montre d'un don exceptionnel pour le maîtriser rapidement. Bien plus rapidement que pour Nin-nin...
Alors maintenant, la future étape est de pouvoir se faire écouter par des musiciens adultes et aguerris. La chose ne sera pas simple, mais elle finira bien par arriver. Très rapidement, on se bat pour avoir Django dans son band. Le jeune homme, qui n'est encore qu'un gamin, grandit ainsi dans les ambiances des différents clubs de jazz de la région parisienne notamment.
Mais alors que tout va bien et que Django Reinhardt est devenu un musicien que l'on s'arrache de plus en plus, un grand malheur est sur le point d'arriver. La roulotte où dorment Django et sa femme prend feu. Si l'épouse de Django, enceinte, sort très vite du brasier, ce sera beaucoup plus long pour le musicien. Ce dernier sera gravement blessé, avec des brûlures au troisième degré, y compris au niveau de la main gauche. Django perd l'usage normal de l'annulaire et de l'auriculaire gauches. Une catastrophe pour celui qui pourrait avoir le destin de meilleur guitariste du monde...
C'est dans la collection Aire Libre de Dupuis que paraît ce Django Main de feu, one-shot qui nous raconte l'enfance de Django Reinhardt, et que l'on doit à Salva Rubio pour le scénario et à Efa pour les fabuleuses planches que l'on y trouve. De ce point de vue, on a un dessin lumineux, aux couleurs parfaites, et avec des personnages d'une grande crédibilité, que ce soit pour Django Reinhardt lui-même, ou pour d'autres.
Au niveau du récit, on apprend bien des choses sur la vie du musicien virtuose qui excelle dans le jazz manouche, cher à des artistes contemporains comme San Severino, ou encore comme Thomas Dutronc, qui écrit d'ailleurs une très jolie préface d'introduction dans ce livre. On ne sait pas forcément que Django a du retravailler une technique différente, à la main gauche, suite à un accident qu'il a eu finalement très tôt dans sa vie. On hallucine de voir que l'artiste est resté analphabète, sachant uniquement écrire son nom, et parfaitement incapable de lire la moindre partition musicale. Le récit de Salva Rubo est pour le coup complètement prenant : il sera bien difficile de lâcher le livre avant sa conclusion, tant l'ensemble de l'histoire est réussie.
Ce Django Main de feu est un one-shot superbe, qui vaut le coup d'être découvert par nombre de lecteurs, que vous aimiez ou pas le jazz manouche et la musique, encore magnifique aujourd'hui, de Django Reinhardt...
