L'humanité n'est pas seule dans l'univers ! En fait, elle n'est même pas la première à avoir percé les secrets du voyage interstellaire. Un certain nombre de races nous ont précédés sur la scène galactique, au premier rang desquelles les Sharkas, de séduisants félins humanoïdes. Eux connaissent la Terre depuis longtemps, ils y envoyaient leurs criminels par le passé. Certaines cultures, comme les peuples des steppes d'Asie centrale ou les anciens Amérindiens, en ont gardé le souvenir dans leurs légendes. Aujourd'hui, les Sharkas sont toujours parmi nous. Ils s'efforcent de séduire les humains qu'ils jugent les plus prometteurs, en qui ils voient des réincarnations d'anciens grands noms de leur race.
La mort est une auberge espagnole rassemble dix-huit nouvelles de l'auteur belge Paul Hanost. Quelques-unes sont inédites, mais la plupart ont déjà vu le jour dans divers magazines et anthologies de science-fiction entre la fin des années 1980 et aujourd'hui. Toutes prennent place dans le même univers, mais elles peuvent se lire indépendamment les unes des autres, ce qui est sans doute la meilleure chose à faire. En effet, ces textes ayant été publiés à des dates et dans des endroits différents, chacun d'eux présente dans les grandes lignes les Sharkas, leurs origines, leur physique et leur mentalité. Cette présentation est la bienvenue dans la première nouvelle, mais au bout de la dix-huitième, la lassitude est au rendez-vous, d'autant que beaucoup de ces textes reprennent plus ou moins le même scénario, celui d'un jeune humain séduit par un Sharka qui doit faire face à l'obscurantisme de son entourage.
Bien que chaque nouvelle présente des personnages différents, la plupart sont coulées dans le même moule, sans trait distinctif, ce qui n'aide pas à atténuer ce sentiment de radotage. Leur rôle se borne à interpréter des scénarios érotiques entre humains et Sharkas (les descriptions de ces actes restent cependant brèves), et surtout à être les véhicules de longs discours philosophiques, inspirés par Nietzsche et le Bardo Thödol tibétain. Ces discours occupent souvent la majeure partie de chaque nouvelle et leur servent souvent de chute, ce qui est franchement insatisfaisant d'un point de vue narratologique. Quelques nouvelles s'écartent un peu de ce modèle, notamment Vani qui se lit davantage comme un petit conte philosophique, mais il est dans l'ensemble difficile d'échapper à l'impression que l'auteur ressasse les mêmes idées et les mêmes structures au fil de ces 230 pages. Rien que pour cette raison, je ne me vois pas conseiller la lecture de La mort est une auberge espagnole.
Au-delà de ses qualités artistiques et techniques, c'est aussi l'idéologie qui sous-tend ce livre qui me laisse dubitatif. Passe encore que les nouvelles fassent l'éloge permanent des Sharkas, de leur absence complète de morale, de leur refus de toute tolérance, de leur société où l'eugénisme est assumé et encouragé. Passe encore que le point d'orgue de la plupart des nouvelles soit une diatribe contre le matérialisme, les religions occidentales et la franc-maçonnerie, cible d'attaques ridicules dignes d'un Léo Taxil. Mais à la lumière de la préface et de la postface, où Paul Hanost reprend pour son compte ces idées douteuses, la perplexité peut légitimement laisser place à un haut-le-cœur.