Les Chroniques de l'Imaginaire

Binti (Binti - 1) - Okorafor, Nnedi

Binti, en tant que maîtresse harmonisatrice, est vouée à reprendre la boutique d'astrolabes de son père. Le peuple Himba vit replié sur lui-même, ne quittant jamais son village du désert africain. Binti n'est jamais allée jusqu'à l'astroport du peuple Koush qui n'est pourtant qu'à une cinquantaine de kilomètres de chez elle. Alors, ne parlons pas de quitter la Terre !
Pourtant, l'adolescente a été acceptée à l'université d'Oomza, à plusieurs planètes de là. Un honneur et une chance, qu'elle compte bien accepter malgré la réprobation de sa famille, même si cela fait d'elle la première Binti à quitter la Terre et une paria parmi les siens.

Quand le vaisseau spatial qui la transporte est attaqué par des Méduses, tous les passagers sont immédiatement massacrés à l'exception de Binti. Les Méduses craignent un artefact ancien en sa possession, un porte-bonheur trouvé dans le désert et dont elle ignore l'usage. Pourra-t'elle les convaincre de lui laisser la vie et de renoncer à attaquer Oomza ?

La première chose qui m'a séduite dans cet ouvrage, c'est la manière originale dont y sont utilisées les mathématiques. En arborescant, c'est-à-dire en se concentrant sur les formules mathématiques ou les opérations complexes, les harmonisateurs entrent dans un état de méditation qui leur permet de générer des courants mathématiques qui semblent à la base de la société, même si les détails restent pour moi nébuleux. Pour Binti, arborescer est aussi naturel que respirer, c'est une harmonisatrice exceptionnelle et elle envisage tous les instants de sa vie selon les fameux courants. Du coup, on ne comprend pas toujours (Binti narre le récit à la première personne, ne prenant pas la peine de nous expliquer des concepts évidents pour elle), mais cela donne un exotisme certain !

Binti appartient à une culture tribale fermée. Les femmes Himbas se couvrent le corps et les cheveux d'un mélange de glaise et d'huile, qui les protège du soleil et de l'impureté, et portent des bracelets de cheville qui tintent à chaque pas. Elles sont soumises à leurs époux, qui eux-même n'envisagent guère de bousculer les traditions de quelque façon que ce soit. On comprend donc toute la force de volonté qu'il faut à Binti pour s'émanciper et aller au bout de ses choix !
Dès les premières heures, elle est confrontée au racisme des Koush qui voient les Himbas comme des sous-hommes sauvages et malpropres. Heureusement, elle trouve vite sa place parmi les futurs étudiants de l'université, plus ouverts d'esprit, et se réjouit d'avance. Ensuite, après l'attaque des Méduses, elle devra faire preuve de sang-froid et de courage, mais surtout faire de son mieux pour communiquer avec ses belliqueux agresseurs, pour espérer survivre. Traumatisée, isolée, la jeune fille devra accepter les épreuves qu'elle va traverser pour trouver sa voie et s'épanouir. Tout au long du récit, on la voit donc grandir et évoluer, confrontée à des situations qu'elle n'avait jamais imaginées, en partant de son village natal isolé.

Le roman de Nnedi Okorafor est divisé en plusieurs parties, couvrant le voyage de Binti vers l'université, ses études là-bas puis son retour parmi les siens. Il s'agit originellement des deux premiers textes d'une trilogie de novellas de l'autrice américano-nigériane, le troisième devant paraître en version française l'an prochain. Les récits s'enchaînent de manière fluide. Pour le coup, c'est la fin qui m'a paru trop abrupte, tant elle laisse de choses en plan, en attente d'une suite qui n'est pas encore là.

L'écriture est belle, les détails des cultures abordées minutieusement rendus (même si le reste de l'univers reste plus flou), et j'ai pris grand plaisir à suivre cette jeune Africaine dans ses tribulations initiatiques, qui effleurent maints sujets de fond. Si le livre sort sous le label Naos (qui regroupe des textes jeunesse, ados et young adult), nul doute qu'il saura conquérir également un public adulte.