Eléonore et son fils, Théo, un adolescent qui fait semblant de dormir dans la voiture, sont sur le point de terminer un voyage éreintant, dans une voiture peu confortable. Eléonore se dispute, par téléphone, avec le père de Théo, pour une histoire de prise de rendez-vous chez un médecin. De quoi énerver au plus haut point la conductrice de la voiture, médecin elle-même, et qui n'approuve pas les actions de son mari au sujet de la santé de Théo.
Mais l'arrivée à destination change totalement l'humeur maussade. Eléonore et Théo se rendent chez David, le frère d'Eléonore, et donc l'oncle de Théo. David vit dans un trou paumé, il faut bien le dire, mais ce trou est aussi et surtout la maison familiale, une superbe champignonnière où David est le voisin de Garance et Eva, deux sœurs qui terminent leurs jours en vivant ensemble dans les bois.
Immédiatement, les souvenirs remontent à la surface, dès qu'Eléonore franchit le pas de la porte de cette maison. Des souvenirs parfois heureux, certes, mais aussi d'autres qui le sont beaucoup moins : leur père a quitté le domicile familiale, cette maison donc, il y a quelques années, abandonnant sa femme, Astrid, et leurs deux enfants, alors en bas âge. Une situation qui n'a pas rendu facile la vie de David notamment, qui a préféré s'exiler durant dix-sept années à l'autre bout de la planète, ne rentrant qu'une seule fois, pour assister à l'enterrement d'Astrid, sa mère...
Mais aujourd'hui, le garçon est décidé à tourner la page. Il a racheté la maison, et, surtout, il s'apprête à donner une nouvelle choc à sa sœur : il a purement et simplement retrouvé la trace de son père, qui est aujourd'hui un homme âgé. La nouvelle est très mal reçue par Eléonore, qui ne voit en cet homme qu'un salaud qui a décidé de quitter sa famille.
Désormais, c'est Théo qui va pouvoir essayer de démêler le vrai du faux, et de reconstituer un véritable puzzle mental. Le jeune adolescent a effectivement une étrange spécificité : il est en mesure de pouvoir lire les pensées et les souvenirs des personnes de son entourage. Nul doute qu'il y a des choses à apprendre et à reconstituer, avec David et Eléonore, mais aussi et surtout avec Eva, vieille voisine acariâtre qui ne bouge plus de chez elle, et qui cache bien des secrets...
C'est Nicolas Delestret (Lord Clancharlie, L'homme qui rit ou le plus récent Adieu monde cruel !) qui nous fait plonger au sein d'une chronique familiale, teintée d'un brin de fantastique, avec ce one-shot, La maison aux souvenirs, qui paraît chez Grand Angle. Le livre est ainsi l'occasion de plonger au sein d'une famille meurtrie, brisée, qui a dû trouver des sources de satisfaction en dehors de son cercle, pour essayer de vivre le plus dignement possible.
On suit ainsi de près les retrouvailles entre le frère et la sœur, et on se rend vite compte que Théo est un personnage clé du récit, avec sa capacité à lire dans les pensées des autres. Une faculté étrange, qu'il aura sans doute héritée de quelque part. Il n'en reste pas moins que les personnages secondaires de ce récit sont eux aussi parfaitement travaillés, réussis et surtout convaincants. Je pense particulièrement aux deux vieilles sœurs, dont Eva, mais aussi les mêmes personnages, plus jeunes, qui parsèment l'histoire au fil de flashbacks ressentis par Théo.
Ainsi, Nicolas Delestret parvient à faire vivre ses personnages, en les rendant intéressants et parfaitement complémentaires, sans jamais perdre le lecteur. Le récit est maîtrisé de bout en bout, et il fallait bien cette lisibilité dans une histoire où les flashbacks sont pour le moins importants par nature. Du côté des dessins, là encore, la part belle est faite à la lisibilité. On a des dessins jolis, des traits fins et des couleurs douces, qui collent parfaitement avec l'histoire racontée par Nicolas Delestret.
La maison aux souvenirs est un one-shot captivant, réussi, qui se dévore d'une traite, sans qu'on ne s'en rende compte !