Nous sommes au Québec, dans un futur sans doute pas si lointain. Une jeune femme nous raconte sa vie, à partir de l'époque où elle est née, au siècle dernier. Un moment où les smartphones et toutes ces applications n'existaient pas encore, mais un moment où la télévision était, elle, bien présente. D'ailleurs, heureusement pour cette fille que cela était le cas. Avec des parents absents, qui se disputaient tout le temps, et un manque d'amour évident dans ce cocon familial d'une grande sécheresse, il n'y avait que la télé pour s'évader...
Alors, il n'est pas étonnant que la jeune fille en question soit tombée amoureuse des images, devant ce maelström d'émissions, parfois intelligentes, souvent totalement débiles. Le sport, les défilés de mode, les informations et les dessins animés japonais laissent peu à peu la place aux séries qu'il faut voir absolument. La fille en question passe tout son temps libre devant la télé. Et du temps libre, il y en a à tuer lorsqu'on n'a aucun ami, et qu'on déteste la présence de ses parents...
Mais c'est bientôt vers le mannequinat que va se diriger cette fille. Le dédain naturel, l'absence d'expression qu'elle affiche l'auront beaucoup aidée dans ce métier. En plus de l'amour des images, et d'Anouk, qui est cette image de femme parfaite que la jeune fille a toujours voulu être. C'est à Paris que les expériences de mannequinat vont l'amener. Loin de Montréal. Et la fille ne se doute pas encore de ce qu'elle va endurer, lorsque son père va lui annoncer l'hospitalisation d'une mère, dont l'état de santé se dégrade de jour en jour. Une nouvelle choc, à encaisser, avant peut-être de réussir de nouveau à affronter la réalité ?
Après Sous béton, Folio SF nous propose ce De synthèse, nouveau roman de l'autrice canadienne Karoline Georges. On se retrouve ici entre plusieurs niveaux de lectures. Entre cette fille dont on ne connaîtra jamais le prénom, très impersonnelle bien souvent, qui se cache dans ses centaines d'écrans pour y vivre une vie par procuration, beaucoup, et ces flashbacks qui nous permettront de savoir pourquoi et comment elle en est arrivée là. Une véritable ode à l'image et à elle seule, écrite avec un rythme mené tambour battant par l'autrice.
Car il est bien difficile de le lâcher, ce livre, comme cela était déjà le cas pour Sous béton. On se retrouve fascinés par ce personnage, maintenant ou lorsqu'elle était enfant, et on aimerait savoir comment on aurait pu la sortir de là, en étant enfant. Pour autant, le livre est une véritable lueur d'espoir, dans un monde de moins en moins humain, où on voit tant de personnes vissées à leurs téléphones, comme s'il était devenu tabou de parler à l'inconnu.
Une fin inattendue, préparée par une autrice dont il nous tarde de lire le prochain roman.