Comme l'explique son rédacteur en chef Pierre Gévart dans l'éditorial de ce numéro 63 de Galaxies SF, l'idée de consacrer un dossier au sport dans la science-fiction n'avait rien d'évident. Meddy Ligner s'est pourtant acquitté de cette tâche avec brio.
Le dossier « Sports et Imaginaire » s'ouvre sur un essai de panorama du sujet. Meddy Ligner balaie large et recense un grand nombre de romans, nouvelles, films et autres séries de SF où apparaît le sport. S'il n'est parfois qu'un moyen de donner corps à l'univers, il occupe une place prépondérante dans certaines œuvres et en constitue parfois le thème central. Certaines se penchent sur les dérives actuelles (dopage, ingérences économiques…) pour extrapoler de sombres futurs, tandis que d'autres imaginent des passés alternatifs où, par exemple, les poteaux de Glasgow n'étaient pas carrés… Ceux que le sujet intéressent auront de quoi remplir leur liste d'envies de lecture.
Le dossier examine ensuite de plus près le rapport de deux écrivains célèbres avec leur sport de prédilection : le baseball pour Stephen King, la boxe pour Robert E. Howard. Dans les deux cas, un bref article de Meddy Ligner accompagne un texte peu connu de l'auteur concerné. Le poème de King intitulé Août à Brooklyn offre un instantané d'un match de baseball à New York dans les années 1950, tandis que la nouvelle de Howard intitulée L'Apparition sur le ring mélange fantastique et compte-rendu de match. Ces deux textes sont assez dispensables, surtout le second, dans lequel le créateur de Conan laisse libre cours à son racisme en dépeignant l'affrontement entre deux boxeurs noirs, l'un représentant le « bon Noir » docile et soumis à son entraîneur (blanc, cela va de soi) et l'autre une caricature de sauvage à demi simiesque tout droit sorti des jungles d'une Afrique fantasmée.
Après un dernier article de Meddy Ligner sur les sports aussi fictifs que violents que sont le rollerball (dans le film du même nom) et le rugball (dans la série d'animation Cobra), le dossier propose une série de nouvelles inédites. Le Fumet des sacrifices de Rachel Tanner imagine une course de chars qui oppose les héros achéens durant un temps mort de la guerre de Troie. Fides de Fabien Clavel (étrangement rédigée à la deuxième personne) extrapole l'avenir des escape rooms dans un futur proche : plus dangereuses, plus difficiles, elles deviennent un véritable sport extrême retransmis en direct sur internet. Albédo de Régis Goddyn fait le récit d'une régate un peu particulière prenant place sur Kraken Mare, une mer d'hydrocarbures à la surface de Titan, le satellite de Saturne ; on croirait presque lire le journal de bord d'Éva, sa protagoniste. Plongée de Sylvain Lamur adopte un ton plus méditatif et onirique, avec son héros qui tente, seul dans les ténèbres de l'espace, d'établir un record de vitesse pour la traversée en solitaire entre la Lune et Vénus. Enfin, Meddy Ligner offre un dernier texte, de fiction cette fois-ci : Le Saigneur des rings est le récit d'un match de boxe entre le champion des États-Unis et son rival allemand dans des années 1970 alternatives où les nazis ont battu l'Amérique. Inutile de préciser que cette nouvelle est nettement plus digeste que celle de Howard !
Le dossier comprend deux textes supplémentaires dans la version numérique du magazine. Là où dormait l'Océan de Simon Boutreux se déroule dans un futur effrayant où toute l'eau des mers terrestres s'est évaporée, laissant place à de vastes étendues salées où tentent de survivre les derniers humains. Enfin, un extrait du tome 3 du Sommeil des dieux de Pierre Gévart imagine une course de vitesse effrénée sur les parois extérieures d'un immense vaisseau spatial, sans filet de sécurité bien entendu !
Trois nouvelles sans lien avec le sport viennent compléter le sommaire de ce Galaxies SF. Dans Kumak, Gabriel Féraud dépeint avec une malice acide les mésaventures de John, mineur forçat coincé sur une planète à la faune digne de Starship Troopers. La Mort en Colchide de Daniel Walther est une fantaisie érotique et onirique, entre Grèce moderne et Grèce antique. Enfin, le magazine propose une nouvelle d'Hervé de Pesloüan, un écrivain français de l'entre-deux-guerres. Avec son ton vieillot et son portrait passablement condescendant d'une jeune fille écervelée, La Nouvelle Illusion reflète sans doute en partie son époque…
Après tout cela, on retrouve les rubriques habituelles, comme les chroniques de films de Jean-Pierre Andrevon, les critiques de BD de Fabrice Leduc, les notes de lecture compilées par Laurianne Gourrier et les coups de scalpel de Pierre Stolze. Didier Reboussin consacre un article rétrospectif à Jean-Louis & Doris Le May, un couple d'auteurs publiés chez Fleuve Noir dans les années 1960 et 1970, tandis que Jean-Michel Calvez s'intéresse dans sa colonne musicale à l'œuvre du groupe de rock progressif Emerson, Lake & Palmer. Le magazine se conclut sur un article au ton très scolaire de l'universitaire tunisienne Kawthar Ayed consacré au problème de la traduction (principalement en arabe) des néologismes qui abondent dans la littérature de science-fiction.