Les Chroniques de l'Imaginaire

Mater terribilis (Nicolas Eymerich - 8) - Evangelisti, Valerio

Nous sommes en 1362 et une nouvelle enquête se profile pour Nicolas Eymerich, l'ancien inquisiteur général du royaume d'Aragon. On a retrouvé à Carcassonne les cadavres atrocement mutilés de deux de ses confrères dominicains qui se trouvaient en mission à Cahors, dans une région sous contrôle anglais. Les messages envoyés à l'évêque de Cahors étant restés sans réponse, le pape Innocent VI a besoin d'un homme fort à envoyer sur place. Son choix est vite fait : même disgracié, Eymerich reste un limier sans pareil.

En chemin, l'inquisiteur est confronté à de nombreux phénomènes inexplicables, comme ces nuées de cerfs-volants qui ravagent la région ou le comportement étrange d'une jeune fille, Éliane, persuadée d'avoir été choisie par Dieu pour bouter les Anglais hors de France. Eymerich y verra bien entendu la main du diable, mais peut-être s'y cache-t-il autre chose ? Y aurait-il un lien avec l'épopée de Jeanne d'Arc, un demi-siècle plus tard ? Tandis que dans un futur éloigné, un satellite permet de contrôler les rêves des gens et que la guerre fait rage entre les mosaïques de l'Euroforce et les polyploïdes de la RACHE.

Comme le suggère son titre, cette huitième aventure de Nicolas Eymerich a pour thème majeur les femmes. La confusion des genres revient comme un leitmotiv dont l'exemple le plus évident est Jeanne d'Arc, qui s'habille comme un homme, se bat comme un homme et veut être un homme. Eymerich est lui-même confronté à plusieurs figures féminines ambigües et puissantes, ce qui n'a bien entendu rien pour lui plaire. L'inquisiteur est par ailleurs égal à lui-même, dogmatique et inflexible. Le pape lui-même ne trouvera pas grâce à ses yeux !

Le pouvoir de l'esprit et sa capacité à modeler la réalité constitue un autre fil rouge de ce livre. C'est une idée qui a l'air de fasciner Valerio Evangelisti, ce n'est pas la première fois qu'il l'aborde dans la série. Elle apparaît de manière particulièrement prégnante dans la séquence futuriste, qui est par ailleurs presque dépourvue de liens avec les deux autres fils narratifs. C'est sans doute la section la moins intéressante du livre et il m'a semblé qu'elle ajoutait beaucoup de pages pour pas grand-chose.

Heureusement, le reste du roman est à la hauteur des tomes précédents. L'histoire de Jeanne d'Arc est vue à travers les yeux de son compagnon, le sensuel et sulfureux Gilles de Rais, dont le comportement barbare reçoit une explication aussi glaçante que cohérente, tandis que Jeanne elle-même apparaît comme une pauvre marionnette pleine de contradictions. Quant à l'enquête d'Eymerich, c'est comme toujours un plaisir de la suivre, l'astuce du personnage principal n'ayant d'égale que sa froideur.

Somme toute, Mater Terribilis n'est pas le meilleur volume de la série, mais cela reste tout de même un très bon livre.