Les Chroniques de l'Imaginaire

Karmen - March, Guillem

A Palma de Majorque, Karmen, une jeune femme aux cheveux roses et vêtue d'un costume de squelette, débarque dans l'appartement de deux colocataires. Elle ne prête pas attention à Joana, affalée dans son canapé et occupée à regarder la télévision, mais se dirige directement vers la salle de bain. A l'intérieur, elle découvre Catalina entièrement nue et les veines ouvertes. Au lieu de s'affoler, Karmen semble s'amuser de la situation et propose à Catalina d'aller prendre l'air. Dans un état second, celle-ci accepte et cherche à se couvrir pour sortir, c'est alors qu'elle s'aperçoit qu'elle ne peut se saisir des objets l'environnant. Karmen lui explique alors qu'elle se trouve dans un plan physique parallèle et que personne ne peut la voir. Sans vraiment saisir ce qu'elle vient de lui annoncer, Catalina l'accompagne et sort de la salle de bains, nous laissant ainsi découvrir son corps gisant dans la baignoire.

S'ensuit alors une balade dans les rues de la ville où Catalina marche puis nage dans les airs, toujours nue, et quelques pauses pour discuter avec Karmen et faire le point sur ce qu'a été sa vie jusqu'à maintenant. Catalina ne sait toujours pas si elle est morte, si elle rêve ou si elle est en transition vers un autre monde.

J'ai voulu chroniquer cette BD car ce que j'avais lu à son propos m'avait donné envie de la lire. Lorsque je l'ai reçue, mon premier réflexe a été de la feuilleter, et là grosse désillusion. On y voit Catalina entièrement nue pendant une grande partie de l'histoire, et pire on la voit se déplacer ainsi dans les airs, survoler la ville. Je me suis dit que c'était trop bizarre et que cela allait être un calvaire de la lire et de la chroniquer ensuite.

Magie de la BD, du talent d'un auteur, d'un dessin magnifique, d'une histoire bien ficelée, je suis sorti de cette lecture enchanté et l'ai même recommandée à ma compagne qui était aussi dubitative que moi.

On y suit les pérégrinations de Catalina dans sa ville et cela donne lieu à une véritable introspection de l'héroïne qui prend du recul sur sa vie, ses relations avec les autres, son amour caché, ses déceptions qui l'ont amenée à se suicider. On tente de comprendre comme elle les raisons de son geste, cet isolement, alors qu'elle avait une famille aimante, un ami très proche, tout pour mener une vie heureuse.

En dépit de quelques pages sur le rôle de Karmen et de ses supérieurs, un peu trop délirantes à mon goût, cette BD est intéressante, les dessins sont poétiques et magnifiques et le scénario nous donne envie de comprendre pourquoi Catalina s'est suicidée mais surtout de savoir si elle est vraiment morte.

Les dessins soignés et les couleurs utilisées rendent les planches attrayantes. Les deux personnages sont attachants, le caractère un peu foldingue de Karmen ainsi que son rôle donnent du piquant à cette histoire.

La nudité de Catalina n'est ni vulgaire, ni érotique et au fil de l'histoire on comprend pourquoi Guillem March l'a représentée ainsi car il s'agit d'une véritable mise à nu de son héroïne tout au long des pages.

On sort de cette lecture un peu chamboulé et l'on se dit que faire de temps en temps une introspection de notre vie, de nos erreurs pourrait être utile parfois.

Une très bonne surprise. A découvrir.