La Spire joue dans la cour des grands à présent. La petite entreprise s'est taillé une place de choix dans le secteur du transport interplanétaire et ses concurrentes, après avoir essayé de l'éliminer, ont fini par accepter de la laisser vivre. Le prix de cette réussite ? Il lui a suffi de sacrifier les idéaux ayant présidé à sa création. Le Buro de Mathy, partisan d'une croissance à tout prix, a supplanté la Ligue des navis et mis le holà au rêve ayant poussé Lenoor, Hummel et Cornelis à fonder la Spire. Les planètes isolées peuvent bien se débrouiller toutes seules, il est si peu rentable de les desservir ! La compagnie abrite encore quelques âmes qui se souviennent de l'éthique des débuts, mais elles sont minoritaires à présent et n'ont plus guère voix au chapitre. Hummel a été mis au placard, Lenoor est gravement affaiblie par sa maladie et Cornelis toujours porté disparu. Dans ces conditions, qui sauvera les colons d'Es Pergoni des terroristes qui les menacent, ou ceux d'Ut's Lahore, victimes d'un bouleversement écologique mortel ?
Ce troisième tome de Spire apporte une conclusion logique à la série. L'entreprise fondée dans Ce qui relie a triomphé de ses adversaires dans Ce qui divise, il ne lui reste plus qu'à connaître sa chute. Cette chute reste d'ordre moral et non financier ou humain, mais il s'agit tout de même d'une fin amère pour les rêves des héros. Ces derniers, déjà en retrait dans le tome 2, en sont quasiment réduits à de la figuration ici, ce qui est logique dans la mesure où ils sont désormais privés de toute influence sur l'avenir de la compagnie.
Ce qui révèle présente la même structure que les tomes précédents, à savoir une succession d'histoires plutôt qu'un seul fil narratif continu. Cependant, les histoires sont ici moins nombreuses et plus longues, ce qui les rend plus satisfaisantes que dans un Ce qui divise qui partait un peu dans tous les sens. Certaines (je pense notamment aux pirates) auraient tout de même gagné à être plus développées. La plupart partagent aussi une thématique commune, le déclin de l'éthique de la Spire, et s'enchaînent donc de manière plus fluide. Les personnages restent cependant assez interchangeables, qu'il s'agisse des capitaines de vaisseaux ou des colons avec qui ils échangent.
Dans l'ensemble, j'ai tout de même pris du plaisir à lire cette saga, même si je pense qu'elle ne joue pas sur les points forts de l'écriture de Laurent Genefort (elle manque de descriptions de mondes extraterrestres détaillés et cohérents comme Omale). Ces trois livres adoptent un point de vue assez inhabituel pour une série de science-fiction et posent des questions éthiques qui s'appliquent tout aussi bien à notre monde actuel, ce qui est l'une des marques de fabrique de la bonne SF.
