Nous sommes à Mulhouse, au début de l'ère industrielle. La quasi-totalité de l'économie locale est entre les mains de la famille Koechlin, composée notamment de trois frères, dont Nicolas, qui a lui-même trois enfants, à qui il souhaite confier des responsabilités différentes. A Mulhouse, à cette époque, le travail est particulièrement dur, dans les filatures. Il n'est pas rare de faire travailler les enfants, dont les salaires sont maigres mais importants pour faire vivre les familles.
C'est dans ce contexte que l'on fait la connaissance de Salomé, la fille de Nicolas Koechlin. Salomé est une fille à la fois sensible et terriblement indépendante. Ce qu'elle souhaite, c'est apprendre aux gamins d'ouvriers à lire, et elle obtient d'ailleurs de bons résultats avec le jeune Doomi. Evidemment, son père souhaite la marier, et tant qu'à faire avec un bon parti de la région... Salomé, elle, souhaite devenir journaliste. Elle écrit d'ailleurs déjà des articles, sur la condition des enfants d'ouvriers, dans un journal dont elle ignore qu'il appartient à son propre père...
A une époque où les pauvres et les nantis doivent se supporter et cohabiter, Nicolas Koechlin a une idée visionnaire. Bientôt, les filatures ne feront plus autant d'argent, face à la concurrence et la manière dont le monde va évoluer. C'est dans le rail que Nicolas a un projet, dont il parle notamment à ses deux fils, même s'ils avaient eux-mêmes d'autres projets en tête. Nicolas souhaite relier Mulhouse à Thann, une ville située à vingt kilomètres de distance. Mais il a aussi en tête que cela ne sera qu'une partie d'un projet plus ambitieux, en reliant Strasbourg à Bâle, dans la première ligne internationale...
C'est chez Grand Angle que paraît ce premier tome de KiloMètre Zéro, une série scénarisée par Stéphane Piatzszek et dessinée par Florent Bossard. On y entre de plein pied au début de l'ère industrielle, non pas à New-York ou à Londres, mais bel et bien à Mulhouse, une ville bien plus régionale, qui a eu un passé florissant avec l'industrie du textile notamment.
Les auteurs passent du temps à nous présenter les personnages de la famille Koechlin, notamment au travers des trois enfants de Nicolas, Ferdinand, Léo et Salomé, tous très différents les uns des autres. Le tome a une valeur de patrimoine sur l'Histoire des trains dans notre pays, puisque la Cité du Train y a contribué. Pour autant, d'autres thèmes, comme la place des femmes dans notre société à l'époque, le journalisme, la dualité entre les riches et les pauvres, y sont développés de façon tout à fait intelligente.
Les dessins de Florent Bossard sont eux aussi de toute beauté : les jeux d'ombres sont importants dans ces planches, et sont souvent là pour relever une scène, ou mettre en évidence une expression. Les silhouettes sont réussies, comme en témoigne la couverture de ce premier tome, et on peut dire que les costumes d'époque, ou encore les machines, sont fidèlement retranscrites, reflétant un joli travail de recherches sur ces éléments de l'époque.
KiloMètre Zéro est une série qui nous fait découvrir une famille étonnante, qui a eu une empreinte forte sur la ville de Mulhouse. Les thèmes abordés sont encore d'époque aujourd'hui, et donnent encore une fois toute sa saveur à ce premier tome.
