L'apocalypse nucléaire a eu lieu et la surface terrestre est devenue invivable. Pour survivre, les habitants de Paris et de la banlieue proche se sont réfugiés dans les couloirs du métropolitain où une nouvelle société a progressivement vu le jour, celle de Métro 2033, où la survie constitue le premier et, pour beaucoup, l'unique impératif. Sur la Rive Gauche, chaque station constitue désormais une petite communauté farouchement indépendante, même si certaines se sont regroupées en statiopées autour des plus importantes, comme Montparnasse, Place d'Italie ou Odéon. Hommes et femmes y mènent des existences aussi brèves que violentes, dans la crainte perpétuelle des bandes de loubards sans foi ni loi qui errent entre les stations, du terrible culte de l'Élévation qui est chargé d'exécuter les condamnés à mort en les exposant à la surface (ce lieu devenu mythique), ou encore des affreux monstres qui, dit-on, peuplent Rive Droite, de l'autre côté de la Seine.
Madone, présidente de la statiopée de Bac, rêve de voir naître une fédération qui rassemblerait toutes les stations de Rive Gauche pour leur permettre de mieux faire face aux dangers qui les menacent. Elle se met en route vers Montparnasse pour promouvoir son idée, accompagnée d'une escorte bien armée, cela va de soi. Juss est un petit loubard dans la bande du Daub, mais sa rencontre avec la jeune nyctalope Plaisance va donner un tour aussi neuf qu'inattendu à son existence. Quant à Aube, fille de la conseillère de Varenne, elle joue de ses charmes pour tenter de survivre.
Ce roman est la première partie d'un diptyque dérivé de l'univers Métro 2033 créé par l'écrivain russe Dmitri Glukhovski dans le roman du même nom et qui a aussi donné lieu à une série de jeux vidéo à succès. Là où Glukhovski faisait évoluer ses héros dans les couloirs du métro moscovite, c'est logiquement Paris que Pierre Bordage a choisi comme cadre de son récit. Le livre s'ouvre sur un plan du nouveau monde qui rappelle beaucoup les vrais plans du métro, et l'introduction qui présente l'univers fourmille de noms familiers (ou subtilement modifiés, par exemple avec la disparition de tous les « saint » des noms de station) qui donnent un ton très ludique aux premières pages.
Le lecteur ne devrait cependant pas se laisser abuser par cet incipit, car le reste de Rive Gauche adopte le ton que l'on peut attendre d'un roman post-apocalyptique. C'est sombre, c'est violent, c'est cru, et les quelques moments de poésie et rares lueurs d'espoir qui percent çà et là ne contrebalancent pas vraiment l'impression générale de marasme et de désespérance. Morts violentes, mutilations répugnantes et viols sont au rendez-vous, avec des descriptions qui frisent la complaisance par moments. Sur la longueur (le livre fait plus de 450 pages), ça peut lasser.
Les trois fils narratifs sont bien équilibrés et mettent tous en valeur des personnages féminins, ce qui est toujours appréciable. C'est dommage qu'elles soient toutes définies en bonne partie par leur rapport aux hommes, et surtout, au sexe. En dépit de sa position de pouvoir et de ses idéaux novateurs, Madone est ainsi prisonnière d'un triangle amoureux très convenu entre son amant de longue date et un nouveau venu pour qui elle a le coup de foudre (sans être bégueule, j'ai sauté les pages entières qui décrivaient leurs rapports sexuels). La tension n'est pas résolue dans ce tome, ne doutons pas qu'elle le sera dans le suivant. La jeune Plaisance est quant à elle surtout le moyen pour Bordage de montrer à quel point la société de Métro 2033 n'est pas tendre avec les faibles. Aube tire son épingle du jeu en étant la plus proactive des trois, sans totalement échapper au cliché de la femme fatale qui s'adoucit en rencontrant un homme qui la respecte.
J'avoue avoir survolé la fin du livre. Même s'il reste parfaitement lisible jusqu'au bout, ses défauts ont fini par prendre le pas sur ses qualités à mes yeux (encore une fois, 450 pages, c'est très long). Comme rien n'est vraiment résolu lorsqu'on arrive à la dernière page, il faudra certainement que je lise le tome 2. Ce n'est pas une perspective qui m'emplit d'effroi, mais dire qu'elle me réjouit serait exagéré.