Après quatre longues années de préparatifs, l’armée de Taglios s’est mise en branle en direction de Belvédère. Peu de personnes pensent que cette campagne militaire, menée au début de l’hiver, peut être couronnée de succès. Pourtant, le commandant en chef de cette expédition n’est autre que le Vieux, chef de la Compagnie Noire. Une compagnie de mercenaires en activité depuis quatre cents ans, et dont le seul nom suffit à terrifier les populations locales plusieurs siècles après son passage dans ces contrées du Sud.
Quelques jours après le gros de la troupe, le Vieux et moi sommes partis rejoindre les bataillons à la tête de l’armée. Nous avons chevauché pendant plusieurs jours à travers les contrées déjà reprises aux Maîtres d’Ombre, jusqu’à la tristement célèbre cité de Dejagore où j’ai bien cru y passer plus d’une fois quand nous y étions assiégés. Même maintenant, cette cité hante mes nuits. Mais nous n’y avons fait qu’une courte escale car notre vraie destination est Charandaprash, seule passe praticable pour une armée dans la chaîne de montagnes Danda Presh. Une fois cet obstacle passé, nous pourrons assiéger Belvédère et enfin rejoindre Khatovar, la cité d’origine de la Compagnie Noire que nous tentons d’atteindre depuis de longues années pour y déposer les annales.
A proximité de Charandaprash, notre armée a été renforcée par celles de Madame et du prince Prahbrindrah Drah. Et ces renforts sont les bienvenus, car les hommes qui défendent la passe sont commandés par des chefs hors pairs. Mogaba, ancien membre de la Compagnie Noire qui n’a toujours vécu que pour être chef de guerre. Et Lame, ancien commandant de Madame qui a eu le tort de trop reluquer la femme du Vieux. Mais le plus grand danger, ce sont les ombres qui peuvent être invoquées par le Maître d’Ombre, elles sont prêtes à nous tailler en pièce quand la nuit vient…
Murgen est toujours le rédacteur des annales de la Compagnie Noire. Comme dans le précédent tome, il prend son rôle très à cœur et dispose d’un poste privilégié pour les rédiger. Grâce à Fumée, un sorcier dans le coma, Murgen a la capacité de voyager sous une forme éthérée là où il le souhaite, et même remonter le temps. Cela lui permet de retranscrire ce qu’il a vécu et d’utiliser Fumée pour combler les trous quand il n’a pas pu être présent. Evidemment, le Vieux ne le laisse pas utiliser Fumée que pour le plaisir de laisser à ses successeurs des annales parfaitement tenues. Une bonne partie du temps passé sous cette forme sert à espionner le Maître d’Ombre et ses sbires, permettant à la Compagnie Noire d’avoir un coup d’avance sur ses nombreux adversaires.
A l’instar des épisodes précédents, Glenn Cook nous fait vivre les événements dans les deux camps qui s’affrontent, en prenant bien soin de ne nous faire découvrir que des informations parcellaires, jusqu’à ce que tout s’emboîte après plusieurs chapitres (et qu’on se demande encore une fois pourquoi on n’a rien vu venir). Cette fois, c’est par le truchement de Murgen et sa capacité de voyager sous une forme éthérée que nous découvrons les manœuvres du Maître d’Ombre. Ce moyen qui est pour le moins original est très pratique pour l’auteur. Mais il souffre d’un défaut pour le lecteur, car comme ce narrateur est en retrait, on observe de loin les événements sans les vivre au plus près. Ce qui fait perdre une des forces des Annales de la Compagnie Noire : la proximité des combats et l’attachement aux protagonistes. Néanmoins, le style de Murgen - qui se fond de plus en plus à celui de Toubib quand il tenait encore les annales - et l’ambiance asiatique dans lequel se déroule l’action font toujours mouche.
Malgré les lenteurs du début (il faut attendre le premier tiers de l’ouvrage pour vivre le premier accroc), les nombreuses révélations à l’issue de cette première partie de Elle est les ténèbres sont très prometteuses pour la suite. D'autant plus que la Compagnie Noire et le Maître d’Ombre jouent leurs dernières cartes dans cette ultime bataille.
