Les Chroniques de l'Imaginaire

Lettres choisies de la famille Brontë - Collectif

Cette édition regroupe trois-cent dix lettres de la famille Brontë. Charlotte Brontë, qui vécut le plus longtemps, est au premier plan dans cet ouvrage car nombre de ses lettres ont été conservées par sa meilleure amie Ellen Nussey. C’était également celle des Brontë qui échangeait avec les éditeurs, d’abord en tant que Currer Bell, un prête-nom masculin, puis en son nom propre. Les missives de ses sœurs Anne et Emily se font plus rares. Celles de son frère, Branwell, sont un peu plus représentées et nous donnent un aperçu bref mais poignant de la vie de ce membre moins connu de la famille. Patrick Brontë, le père de cette fratrie talentueuse, est aussi entraperçu, en particulier lorsqu’il prend des nouvelles de ses enfants en voyage ou lorsque ces derniers sont souffrants.

L’ouvrage dans l’ensemble est de fait assez poignant dès lors que l’on connaît les grandes lignes de l’histoire familiale. J’ai même eu des difficultés à avancer dans ma lecture à certains endroits, pour certaines années, sachant ce qu’il allait arriver à cette famille : la mort de Branwell, d’Emily et d’Anne en quelques mois puis, quelques années plus tard, la mort de Charlotte, récemment mariée. Les principales dates de l’histoire familiale sont d’ailleurs reprises dans une chronologie claire et utile, dans la partie « dossier » du livre. Au fil des lettres, on découvre une foule de détails sur la vie des Brontë, sur leurs relations les uns avec les autres mais aussi avec leurs amis, sur l’envers du décor de l’édition de leurs chefs d’œuvre respectifs sous couvert d’anonymat puis au grand jour, sur leur réception des critiques portées à leur encontre… Il y a de quoi ravir ceux à la recherche d’éléments biographiques. La partie « dossier » vient de plus compléter agréablement la lecture. Outre la chronologie, elle rassemble des notes informatives pour chaque lettre et des notices bibliographiques permettant de s’y retrouver dans les connaissances de la famille.

Je dois avouer que, si l’objet de l’ouvrage m’intriguait, sa forme m’inquiétait un peu : j’ai déjà lu des recueils de lettres de grands auteurs par le passé et j’en ai souvent trouvé la lecture fastidieuse, sans doute parce qu’il s’agissait d’auteurs plus récents et que les ouvrages étaient épurés de tout élément personnel par leurs ayant droits. Ne restait que ce qui relevait de l’aventure éditoriale en elle-même et de la réception des œuvres, voire à la rigueur du courrier de fans. Ce n’est pas le cas ici fort heureusement. Malgré la promesse d’Ellen Nussey de détruire sa correspondance avec Charlotte Brontë et censure de certaines lettres par d’autres de ses amis, les écrits qui nous parviennent sont très intimes. On a ainsi l’Impression de découvrir pleinement la personnalité de Charlotte, et par petites notes, celles de ses sœurs.

Ma lecture fut donc partagée entre l’émerveillement d’entrevoir si clairement la personnalité de cette femme d’un autre siècle et le regret d’être à l’origine d’un acte de voyeurisme. Charlotte Brontë laisse en effet entendre qu’elle n’aurait pas apprécié que ses lettres personnelles soient lues… et on peut la comprendre. Dès lors, cet ouvrage est une lecture coupable, en montagnes russes émotionnelles, à la découverte de personnes talentueuses mais faillibles, parfois d’un grand progressisme, parfois non.

Je ne connaissais personnellement que le Jane Eyre de Charlotte Brontë mais la lecture des Lettres choisies de la famille Brontë m’a vraiment donné envie de découvrir également ses autres écrits et ceux de ses sœurs. 

Je ne peux donc que recommander cet ouvrage aux amateurs des œuvres de Charlotte, Emily et Anne Brontë, qu’ils aient ou non lu tous leurs ouvrages.